On croit souvent que Dodin-Bouffant a existé, qu’il a été un maître de la gastronomie française de la fin du XIXe siècle. Erreur. Il est le héros d’un roman qui, certes, est consacré à la gastronomie mais n’est pas une biographie. Ce qui n’enlève rien à ce petit-chef d’œuvre poétique de Marcel Rouff, tout en sauces et en grands crus, à faire se suicider tout diététicien moderne. La Passion de Dodin-Bouffant adaptée par Mathieu Burniat est un petit bonheur épicurien.
Eugénie est l’égérie, la soubrette, la cuisinière, la muse du gastronome Dodin-Bouffant. Dans cette petite ville du Jura, Dodin-Bouffant tient grande table mais que pour ses amis, éduqués aux saveurs riches et élaborées, sans fautes de goût ou d’associations hasardeuses. Un pur et dur, Dodin-Bouffant jusqu’au jour où la douce Eugènie décide de rendre son tablier et de rejoindre la table du seigneur. Perdu le Dodin qui va devoir trouver une remplaçante à sa « perle ». Il va y arriver avec la dodue Adèle Pidou, un modèle du genre, qui servira au nom de Dodin un repas de gala au Prince d’Eurasie qui restera dans les annales. Au point que le noble gastronome, jaloux de Dodin, va tenter de lui enlever son Adèle. Mais le dieu de la bonne chère veille sur son ami Dodin.
Mathieu Burniat a adapté librement le roman. Mais avec quelle tendresse et appétit. On est à côté de Dodin et de ses compères, on se pourlèche les babines à l’énoncé des recettes, des ingrédients. La purée de Soubise, le consommé de culotte de bœuf, les fritures de Brillat-Savarin et la marinade de Volnay, que du bonheur. On imagine, on sent les arômes, les parfums. Et puis il y a du sentiment, de la pudeur, de l’amour, de la passion. Burniat a le trait léger, caricatural parfois, à la Daumier ou à la Jeanjean (quelques beaux dessins clôturent l’ouvrage), une belle ligne claire qui souligne ces plats pour amateurs éclairés (mais disparus) de grande cuisine familiale.
La Passion de Dodin-Bouffant, Éditions Dargaud, 17,95 €
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