Jean-Michel Arroyo est désormais l’un des repreneurs d’une des plus mythiques des séries. En dessinant le tome 1, Sabre sur la Corée, de la nouvelle collection Buck Danny « Classic », Arroyo relève un défi. Avec talent, humilité, ce travailleur acharné devait à la fois se couler dans les traces d’Hubinon pour le côté vintage tout en apportant sa propre empreinte.
Il se confie à Ligne Claire avant la dédicace exclusive qu’il fera samedi 14 décembre chez Azimuts à Montpellier à l’occasion de la sortie du tirage spécial en limité de Sabre sur la Corée (Zéphyr-Dupuis). Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Racontez-nous comment vous en êtes arrivé à dessiner ce spin-off de Buck Danny qui est une première pour cette série ?
En 2010, Alex Paringaux des éditions Zéphyr m’a proposé de reprendre la série Airblues. J’ai accepté et fait trois tomes en parallèle de la série Les Têtes Brûlées. Quand il a vu mon encrage au pinceau qui correspondait bien à la charte imposée pour Buck Danny, il a eu l’idée de cette série vintage avec Philippe Charlier. Le but était d’inclure de nouveaux albums qui s’inspirent d’évènements dans ceux publiés par Hubinon et Charlier. J’ai fait des essais de planches et de croquis qui ont été validés par Paringault, Charlier et Bocquet de chez Dupuis, Michelle Hubinon. Et bien sûr, au scénario, il y a Fred Zumbiehl.
Pourquoi la Corée, les deux albums en leur temps avaient été censurés en France ? On était en pleine guerre froide et la France se battait en Indochine en 1954.
C’est Philippe Charlier qui l’a souhaité car son père avait beaucoup souffert de cette interdiction. En fait le scénario original de ce spin-off devait se passer pendant la seconde guerre mondiale. Mais nous y reviendrons. La décision définitive date de l’été 2012 et j’ai mis onze mois à faire l’album. Ce sera un diptyque car Fred Zumbiehl aime bien ce format.
Revenons au défi qu’est une telle reprise. Difficile à vivre pour un anxieux comme vous, Jean-Michel Arroyo ?
Je suis, c’est vrai, un inquiet. Il faut du respect pour des auteurs aussi géniaux. Il fallait être à la hauteur. Parfois je n’arrivais pas à avoir une vision objective. J’ai douté aussi mais maintenant le plaisir est là. J’ai pris du recul alors que sort le premier album, Sabre sur la Corée. Avec le second je ne suis plus dans l’inconnu mais je reste toujours prudent, humble devant le travail à accomplir. Je suis plus à l’aise sur un travail vintage que si il avait fallu assurer la reprise de la série mère.
Avec Fred Zumbiehl comment travaillez-vous ?
On se connaît bien évidemment. Il m’a livré le scénario du premier tome d’un coup. On discute du story-board. Je suis très soucieux du dessin et j’ai envoyé les planches pour validation aussi bien à Fred qu’à Philippe Charlier, Michelle Hubinon, Alex Paringaux et Bocquet. Il y avait obligatoirement des corrections mais cela me rassurait. Cela me permettait avec leurs retours de savoir si j’étais dans les clous. Je fais pareil pour le tome 2 et discute beaucoup avec Fred.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ?
Un peu tout. Je ne suis pas vraiment un spécialiste de l’aéronautique. Il n’y a que cinq ans que c’est mon univers. Je devais faire attention au moindre détail. Mais quel plaisir. J’ai suivi la ligne Hubinon en prenant un peu le contre-pied pour la partie technique moins prioritaire pour moi comme pour lui. Ce qui est amusant c’est que le seul Buck Danny que j’avais chez moi est Ciel de Corée et j’ai toujours été un inconditionnel de son dessin. J’ai aussi visionné le film Les Ponts de Toko-Ri avec William Holden et Grace Kelly qui se passe pendant la Guerre de Corée. On y voit des Panther et des Sabre en action.
Vous parlez d’Hubinon mais vous n’avez pas fait « du Hubinon » ?
Les trois héros, Danny, Tumble et Tuckson ont des références visuelles précises à respecter. Il y a une charte. Il faut coller à l’image mais je n’ai pas pris l’option de copier. Il faut qu’il y ait ressemblance mais je voulais pouvoir interpréter au risque sinon d’être trop tributaire des anciens albums. J’ai du mal à qualifier mon évolution. J’ai essayé de m’accommoder des contraintes. Les combats aériens sont léchés. J’ai agrandi les cases. J’ai pris le contre-pied tout en gardant le côté Hubinon. Mon méchant, le pilote soviétique, est aussi classique et colle au style de Jean-Michel Charlier.
Techniquement votre travail est très soigné.
A sa sortie en noir et blanc pour le tirage spécial, l’album ne m’est pas tombé des mains. Je l’ai relu et vu bien sûr tout ce qu’il y avait à corriger pour le prochain. Je voulais que l’on voit le travail avec mon encrage au pinceau à l’encre de Chine, souple.
Vous avez mis onze mois pour Sabre sur la Corée. Buck Danny « Classic » est votre priorité ?
Absolument. Il devrait y avoir un album par an. J’ai « bordé » douze pages du suivant, Duel sur Mig Alley. J’ai même fini la page de garde générique dont je vous ai fait une copie. Je vais aussi un peu dédicacer. A Montpellier et dans un festival en Belgique à Hanret dont je signe l’affiche.
Vous aimez dédicacer ?
Oui et j’essaye toujours, quand j’ai le temps, de travailler pour une dédicace comme pour le contenu de l’album. C’est une question d’honnêteté vis à vis du lecteur.
A noter que Sabre sur la Corée sera pré-publié dans Spirou en janvier avant la sortie de la version couleur. Jean-Michel Arroyo vient de terminer la Une de l’hebdomadaire qui lancera la publication.
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