On continue dans les poids-lourds de qualité. Fondu au noir va ravir tous ceux qui aiment les films noirs des années quarante à cinquante. Un vrai monument qui dégomme le Hollywood des tycoons, des starlettes prêtes à tout, des acteurs mythiques aux carrières sous contrôle, des scénaristes corvéables à merci, des réalisateurs caractériels. Ed Brubaker (Velvet) le scénariste est le neveu de l’un des plus grands noms du cinéma de ces années noires, John Paxton, à qui l’on doit L’Équipée sauvage. Et puis il y aura en toile de fond le fanatisme du maccarthysme, les listes noires, les accusations de communisme. Brubaker dans sa préface découvre les cartes. Son Fondu au noir va au plus profond de ce panier de crabes qui au demeurant a réalisé des chefs d’œuvres. Bogart, James Dean, Clark Gable jouent leur propre rôle dans une histoire glauque à souhait, imbibée de litres de Bourbon, de bagarres et parsemée de jolies filles qui vont y laisser au minimum leurs illusions si ce n’est leur vie. Sean Phillips est au dessin, Elizabeth Breitweiser aux couleurs dont le rôle est capital dans la nuit de LA.
Quand on se réveille à moitié saoul dans une baignoire, on peut s’attendre à tout. Mais découvrir le cadavre de Valeria Sommers une actrice qui avait de l’avenir, c’est un peu dur même pour un scénariste revenu de tout comme Charlie. Étranglée la donzelle et Charlie se barre, pas partant pour être impliqué dans le meurtre. Sauf que ce qui est un crime va se transformer en suicide. Officiellement. Le film doit pouvoir être tourné. Pas de scandale. Les studios sont tout puissants avec un chef de la sécurité Brodsky sans états d’âme. En prime le même soir le copain de Charlie, Gil, qui l’aide à écrire ses scénarios s’est battu en public avec Bob Hope, le comédien. Charlie comprend que le studio va salir le nom de Valéria. Petit à petit Charlie qui s’est confié à Gil et lui a tout dit pour le meurtre va tenter de remonter la piste et découvrir que le FBI tire les ficelles sur ordre de Hoover pour épurer le milieu du cinéma de ses sympathisants communistes.
Une lente descente aux enfers, typique du cinéma noir mais en encore plus violent. On voit Errol Flynn qui a servi de modèle, Valeria a un petit côte Veronica Lake. Eric Von Stroheim et Fritz Lang sont aussi au casting. Ray Milland, Montgomery Clift, il faut se laisser aller à chercher les noms de ce parterre du gratin hollywwoodien que Brubaker mine de rien éreinte à juste titre, coupable d’avoir témoignés, dénoncés souvent pour rien des acteurs, histoire de se dédouaner face à la campagne haïssable de McCarthy. On a oublié mais les USA d’aujourd’hui pourraient en retrouver le chemin. Le dessin de Phillips est parfait, efficace, avec un réalisme glaçant mais très esthétique. Un vrai polar copieux et que l’on déguste à petites lampées sans jamais être déçu. Dossier d’illustrations en fin d’album.
Fondu au noir, Delcourt, 39,95 €
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