Au départ cette biographie de Jacques Prévert aurait dû paraître en plusieurs albums. Le premier, Prévert inventeur a été publié en 2014. Le recueil Jacques Prévert n’est pas un poète est donc la somme rassemblée des trois albums potentiels, une sorte d’intégrale avant la lettre. On y trouvera plus de cohésion peut-être que dans une publication par épisode tant le parcours de Prévert est à la fois chaotique et génial. Mais pas si facilement approchable sans avoir certaines bases cinématographiques par exemple ou historiques. Cela dit aller à la rencontre de Prévert vaut le détour. Hervé Bourhis a signé le scénario de cet ouvrage d’une grande cohérence et Christian Cailleaux le dessin. Un style très ouvert pour un héros des arts et des lettres françaises qui demande à être redécouvert ou simplement reconnu.
De son service militaire en Turquie au début des années vingt au surréalisme, aux scénarios de quelques-uns des chefs d’œuvre du cinéma français, en passant par la tentation du communisme international et un voyage épique à Moscou, la vie de Prévert est un roman. Mais fait de hauts et de bas et ponctué par des rencontres sublimes, Marcel Duhamel l’ami de jeunesse, Pierre Batcheff, Man Ray photographe et chef opérateur de Paris Express, Breton, Prévert est un équilibriste qui joue avec aussi bien sa santé, sa soif d’alcool, ses bagarres, ses séjours au poste et son écriture. Drôle de drame pas si marrant avec Carné, Michel Simon et Jouvet, un bizarre attelage mon cher cousin. On passera ensuite à Pépé le Moko, La Grande Illusion, Gabin, Fresnay. Puis Morgan et Quai des brumes, du Prévert dans le texte. Mais pas vraiment le succès avec les intellos mais garanti avec le public. Voyage aux USA, Los Angeles, Clark Gable, un périple qui va l’amuser. La guerre pas drôle malgré son surnom en 39 va le faire repiquer au service mais il est réformé. Les Visiteurs du soir vont être de sortie. Signoret, Carmet et Resnais débutent.
La suite est dans le recueil. On y verra Les Enfant du paradis, Paroles son livre qu’il faut lire, un vrai choc comme le dit Hervé Bourhis et une chute par la fenêtre qui aurait pu être fatale. Et pourtant Jacques Prévert est bien vivant et habite à Paris. Un très bel hommage pour le quarantième anniversaire de sa mort. Prévert aura fait plus que marquer le cinéma français, il l’aura inventé. Il suffit de lire sa filmographie à la fin de l’album. Un caractère Prévert, une forte tête à l’humour tranchant, dénicheur de talents, Gainsbourg, Gréco. On se souviendra aussi du Roi et l’oiseau tiré de sa Bergère et le ramoneur par Paul Grimault. Personnage grandiose, compliqué, entier aussi, Jacques Prévert avait un frère Pierre que l’on oublie qui a été à ses côtés, son régulateur de vie.
Jacques Prévert n’est pas un poète, Dupuis Aire Libre, 32 €, Édition spéciale intégrale, 45 €
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