Il aura été celui qui a remis l’Allemagne sur les rails d’une nouvelle économie de croissance après la Grande Guerre. Il sera Le Banquier du Reich, du troisième évidemment, et sera même protégé par Hitler, haï par Goering. Hjalmar Schacht ne sera pas un nazi dans l’âme mais de raison si l’on peut dire. Un personnage à facettes qui aura pour seule ambition de donner à son pays la place économique qu’il pense qu’il doit avoir. Hjalmar Schacht va surfer, risquer sa vie, aider Hitler puis comploter contre lui, être absout après la guerre, aller donner un coup de main à Nasser en Égypte et revenir en Allemagne pour la reconstruire. C’est à ce génie de la finance que Pierre Boisserie et Philippe Guillaume au scénario, Cyrille Ternon au dessin, Céline Labriet aux couleurs, consacrent un diptyque. Premier album pour un retour sur le passé sous la pression d’un agent israélien.
1951, Hjalmar Schacht et son épouse font dans leur Constellation une étape imprévue à Tel Aviv. Ce qui n’est pas l’idéal pour un Allemand comme lui, ancien ministre du Reich. Il est célèbre et dans l’aérogare on le reconnait. L’Allemagne a une dette de guerre colossale à payer. Schacht répond qu’elle la payera si on la laisse gagner de l’argent. Quand l’avion redécolle, un homme qui se dit agent du Mossad israélien s’assoit à côté de lui. Une question : qu’est devenu Rolf Lübke, adjoint de Schacht et qui aurait joué un rôle dans son ascension ? Il avait une femme juive ce qui a irrité grandement ensuite les pontes nazis. Schacht a rencontré Lübke pour la première fois en 1923, au moment où il est nommé commissaire à la monnaie.
Un caractère impossible, insaisissable, sûr de lui, méprisant mais ultra doué, Schacht est un coriace. Il sera aux commandes sous la République de Weimar, devient président de la Reichsbank, a une femme qui parle trop. Rolf Lübke devient son secrétaire et avec lui trouve l’aide de l’Angleterre pour obtenir des crédits. Il accumule les mesures dures mais obligatoires pour sauver une Allemagne exsangue. On le suit à la trace, plus homme de l’ombre et des cénacles économiques que politiques. Arrive Adolf Hitler qui va reconnaître en lui le professionnel dont il a besoin. Mais Schacht a-t-il compris ou pas le danger du nazisme ? Ambigu pour le moins, manipulateur, opportuniste, il aura été tout cela en plus d’un génie de l’économie. On le découvre, ou redécouvre car son nom n’a pas vraiment fait la Une comme ceux de Goebbels, Goering, Borman. Une vraie tranche de grande Histoire avec l’antisémitisme en toile de fond et la volonté précoce de remplacer Hitler par la force. Passionnant et le souvenir d’un oral du Bac, avec comme sujet la République de Weimar. Savoir qu’il avait été conseiller de Nasser grâce au remarquable ouvrage de Shirer sur le IIIe Reich, avait permis d’obtenir une note « royale ». Comme quoi.
Le Banquier du Reich, Tome 1, Glénat, 14,50 €
Une très bonne surprise que cette BD qui nous fait découvrir un personnage me semble-t-il méconnu, pas sympathique du tout mais très intéressant et d’une logique implacable dans le contexte historique des deux guerres mondiales.
Les scénaristes réussissent à nous faire comprendre les enjeux économiques qui suivent la première guerre mondiale et les options choisies par Schacht de façon pédagogique sans alourdir le récit.
Le dessin très réaliste de Cyrille Ternon nous permet de nous immerger dans l’ambiance très lourde de l’Allemagne de cette époque et nous attendrons le tome 2 avec impatience.