Jean Dufaux est un conteur qui sait jouer à merveille avec les nerfs de ses lecteurs. Il a cette fois lâché ses Meutes pour deux albums chez Glénat. Des loups-garous bcbg sont entrés dans Paris mais personne ne s’en doute. Olivier Boiscommun est son complice pour cette aventure contemporaine, sanglante bien sûr, mais qui mélange, fantastique, réalisme et polar dans des proportions idéales. Par Jean-Laurent TRUC. Ce texte est aussi publié dans le mensuel ZOO d’octobre 2015.
Une famille bien sous tout rapport les Keller. Milieu aisé à Paris, une fille Otis adorable et un fils Oscar promis à un bel avenir. Mais qui sont-ils vraiment ? Et quel type de chasse les hommes pratiquent-ils la nuit, nus dans un parc ? « Il y a une fausse piste au début. Mais on est sur un thème que j’avais déjà abordé avec Le Livre de Jack, celui de la transformation ». Olivier Boiscommun avait évoqué avec Jean Dufaux il y a quelques années l’idée d’une collaboration : « C’est mon éditeur chez Glénat qui nous a rapproché avec Jean. Le projet avait des bases très cinématographiques. Jean, merveilleux cinéphile, écrit des scénarios comme pour le grand écran. On a eu un très bon contact dès le départ. Il m’a demandé pourquoi je voulais travailler avec lui ». Droit au but Jean Dufaux, histoire de tester la motivation d’Olivier Boiscommun ? « J’avais deux raisons : il m’offrait un univers plus vaste avec beaucoup de personnages donc vraiment différent des miens. En plus je passais à une aventure contemporaine, une nouveauté pour moi, avec une mise en scène très visuelle dont Paris est l’un des acteurs principaux. On s’est baladé des heures dans la ville pour trouver les bons repères architecturaux ou un cinéma de quartier ».
Toujours surprenant Jean Dufaux
Retour sur les Keller et leur ami Oblast qui va effacer les traces d’un chantage. Keller a un garagiste un peu trop curieux qui a découvert dans le coffre de sa voiture des traces sanglantes. Commence alors une descente mortelle aux enfers. Keller et Oblast sont des loups-garous, civilisés certes, mais qui ont des besoins avec leurs copains quand la lune est pleine. Dans une meute, il y a parfois des ambitieux qui aimeraient en prendre la tête, des clans. Ou d’autres qui ne voudraient plus revenir en arrière, rester définitivement dans la peau d’un loup. Et un père comme Keller va aussi vouloir protéger ses enfants dont son fils promis à prendre peut-être un jour la tête de la meute, de la dynastie.
« Nous nous sommes immergés à 100% dans le projet l’un et l’autre. On a fait le casting ensemble, rassemblé la documentation. On a densifié le projet initial », se souvient Boiscommun. Jean Dufaux a ajouté une enquête policière adaptée au côté fantastique de Meutes. Un flic, Azedian, un peu trop curieux va se poser des questions sur le sort funeste du garagiste de Keller. « Je m’étais attaché à lui. Jean Dufaux a préféré éviter que cela dure. Pauvre Azedian. J’adore les coups de théâtre de Jean. Il a su me surprendre en permanence… Il s’est amusé avec moi comme il le fait avec ses lecteurs. J’attendais avec impatience chaque nouvel envoi de pages ».
Dans Meutes, Jean Dufaux joue à fond la carte de la dualité de ses personnages. Gentils ? Pas vraiment, ils sont terrifiants tout en conservant, on le verra avec la jeune Otis qui est la vraie héroïne de Meutes, leur part d’humanité. « On est entre réel et fiction. Mon dessin est devenu naturellement réaliste. Je voulais que chaque personnage principal soit reconnaissable en loup-garou ». Sur le scénario de Jean Dufaux, Olivier Boiscommun a su projeter le lecteur dans un monde certes possible mais prioritairement fantastique. Il y a un parallèle constant entre loups-garous et vie au quotidien des héros. L’intrigue est très complète, l’univers coloré, rendu angoissant par la normalité apparente qui cache la monstruosité des mutations. Les loups-garous sont-ils parmi nous ?
« Le Tome 2 apportera toutes les réponses aux questions du tome 1. Mais en posera de nouvelles. On y verra aussi la part familiale de l’intrigue. Le tome 2 sortira en janvier prochain pour Angoulême où il y aura une exposition. A priori on devrait être sur trois fois deux albums avec des héros récurrents », continue Olivier Boiscommun qui sera aussi avec ses planches originales à la galerie Maghen en mars prochain. « Je travaille de façon traditionnelle sur des grands formats de 37 par 51 cm, en couleur directe. Les couvertures sont faites sur toile à l’acrylique ».
Si les loups-garous de Jean Dufaux font désormais partie de sa vie de dessinateur, cela n’empêche pas Olivier Boiscommun d’avoir un projet en deux tomes au Lombard avec Sylvain Runberg. Rien à voir avec Meutes affirme-t-il, et sortie prévue en novembre 2016.
Meutes, Lune rouge, Tome 1/2, 54 pages couleur, Glénat, 14,50 €
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