On se dit parfois que la vie réserve bien des surprises. Et qu’on peut rester complètement abasourdi par un destin, par un homme dont on ne savait finalement rien même en l’ayant rencontré, interviewé. Jean-Marc Rochette, un alpiniste et non des moindres, un passionné, la montagne chevillée au corps, sa vie au bout de ses crampons et de son piolet, son bonheur là-haut depuis sa plus tendre enfance, son adolescence et ses courses de plus en plus dures pour devenir guide jusqu’au jour où. Oui, le Rochette du Transperceneige ou de Requiem blanc. C’est son parcours semé d’embûches et de drames, de joies sublimes et de chagrins qu’il raconte dans Ailefroide, Altitude 3954, écrit et scénarisé avec Olivier Bocquet, une autobiographie d’une force telle qu’on en est bouleversé, ému et aussi ébloui par le courage, l’abnégation, la volonté que Rochette a mis dans ce défi permanent, cette remise en question vitale qu’est l’alpinisme des hauts sommets.
Il passe des heures devant les tableaux de Soutine et grimpe avec sa mère sur des sentiers qui mènent au pied des montagnes. Il en tombe amoureux Jean-Marc et désormais n’aura plus qu’une idée en tête, monter au sommet tout en haut. Il part de rien avec son copain Sempé plus aguerri. On va lui prêter du matos et c’est parti pour une initiation. Sa mère ne le prend pas au sérieux et lui dit qu’il ne sera jamais à la hauteur. Sauf que c’est un têtu le Jean-Marc et pour qu’elle lui paye son matériel il se met à avoir de bonnes notes. La montagne est entrée dans sa vie comme la religion pour d’autres. Pour toujours et les courses avec Sempé s’enchaînent. Les deux copains prennent des risques mais la foi renverse les montagnes. C’est l’occasion. Jean-Marc apprend vite et le paysage pour lui devient plus beau qu’un Soutine. Il sera guide. C’est décidé mais il faut faire des voies, des courses. Objectif un jour, la face nord d’Ailefroide. Mais Rochette au collège montre aussi des dispositions certaines pour le dessin. Sauf qu’à force de faire le clown il se retrouve pensionnaire. La montagne ça va devenir compliqué. Mais un mur c’est une paroi et pour un alpiniste…
Même si on en connaît rien à l’alpinisme, Lionel Terray, Maurice Herzog et l’Annapurna, on en a rêvé. Rochette va aller au bout de son rêve mais la montagne ne lui fera pas de cadeau. On les suit avec Sempé, infatigables et solitaire ensuite. Ils feront aussi les sherpas. Et Actuel appelera Rochette. Mais on n’abandonne pas la grimpe comme ça. Pas de cadeaux. L’accident. L’hôpital, la douleur. Quel lien entre montagne et dessin ? La liberté sûrement. Le trait incisif comme une arête, vertigineux, direct, insoumis, Rochette a mis sa vérité au fil de ses pages. Elle est belle, sans appel, exigeante mais si pure.
Ailefroide, Altitude 3954, Casterman, 28 €
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