Christophe Blain a écrit et illustré un livre disque. Comme ceux qui ont bercé son enfance (ou la nôtre). Son titre, La Fille chantée par Barbara Carlotti qui a signé la plupart des chansons ou les musiques, ajouté des reprises. Blain a plongé dans les textes qui font face à ses dessins. Avec aussi de superbes doubles planches.
La Fille (Gallimard), un livre et un CD, c’est un road-movie, une histoire d’amour passion dans la lignée des productions cinématographiques de la fin des années soixante. Deux héros, une fille sur une Triumph au look de Barbarella revisitée par Polly Maggoo et un minuscule cow-boy à moustache que l’amour fait grandir à vitesse grand V.
Christophe Blain a donné sa voix à son moustachu à Stetson. Il raconte comment La Fille est née. Et parle de ses envies à Ligne Claire au salon du Livre 2013.
Un livre disque, Christophe, certes mais encore ?
Tu l’as écouté ? (Petit sourire en coin)
Non Christophe. Je viens de l’avoir. Tout juste le temps de survoler le dossier de presse. (note : Toujours être honnête dans ces cas là. En écrivant l’interview je comble cette lacune forcée. Les voix de Christophe et de Barbara, chaleureuse et belle, rythment les mots qui viennent d’un coup plus simplement, replacent mes notes dans la réalité, illustrent les propos de Christophe Blain). Mais si tu me disais comment le projet a été monté ?
Au départ j’avais été séduit par la voix de Barbara Carlotti. Je suis allé à un de ses concerts avec Arthur H. J’ai adoré. Benoît Mouchart (note : directeur artistique du festival d’Angoulême et maintenant directeur éditorial chez Casterman) a joué aussi un rôle important. Barbara amie de Benoît cherchait un dessinateur pour une affiche. Finalement c’est un livre disque que l’on a décidé de faire. Mais proposer un projet de livre disque à un éditeur c’est autre chose. Pas facile de nos jours. On voulait que l’action se déroule dans les années soixante-dix. Un petit côté pop. La Fille c’est un conte un peu intemporel. On a mis un peu plus d’un an à le boucler.
Le héros c’est un cow-boy que tu joues sur le disque. Un parent de Gus ?
Oui il a un peu de Gus mais Moustache il est amoureux fou. Il va suivre la Fille par tous les moyens. J’ai écrit l’histoire et donc les dialogues soumis ensuite à Barbara avec qui je faisais des essais de lecture. Le disque en fait tient la route tout seul. Le travail sonore a été très important. On avait des moyens pour que le son soit parfait. Les bruitages ont demandé un gros boulot. Je voulais une bande-son de film. Idem pour le montage. Barbara fait la narratrice et la Fille. Et moi le cow-boy. Je me suis complètement laissé aller, modifiant ma voix. Un vrai plaisir.
Comment avez-vous choisi avec Barbara les autres voix ?
Je suis parti du principe que dans les années soixante-dix, au cinéma, les voix pour les films américains étaient doublées et chaque grand acteur avait sa voix française. On a fait un casting de voix sur ce principe des doubleurs ou doubleuses. Et tu verras, ça marche (note : Vrai. A l’écoute on est totalement dans l’histoire très rythmée). Tu sais, si tu vois les premiers Tarantino en français ou en anglais tu n’es pas dans le même monde. En particulier dans Le Boulevard de la mort. Tout est dans les doubleurs. Arthur H. fait le grand échalas. Blutch le médecin et des cow-boys. Et je l’ai dessiné dans le livre. J’ai aussi pris comme modèle Ali Mac Graw actrice de Love Story et épouse de Steve McQueen qu’elle a rencontré sur le tournage de Guet-apens.
2013 est une belle année pour toi. Primé à Angoulême, l’adaptation de Quai d’Orsay en film, La Fille. Et tu es toujours prêt pour de nouvelles aventures ? Le cinéma ?
Pour Angoulême je ne m’y attendais vraiment pas. Quai d’Orsay en était au tome 2 et marchait bien. J’étais complètement charrette avec La Fille. Pour Quai d’Orsay avec Tavernier on a passé une vingtaine de jours à New York. Un travail à trois avec Tavernier, moi et Antonin Baudry (note : Lanzac était le pseudonyme de ce diplomate en poste aujourd’hui à New York qui a co-signé le scénario des deux tomes de Quai d’Orsay avec Christophe Blain. Baudry s’est inspiré de son stage au Quai d’Orsay au moment où Dominique de Villepin était ministre). En chantier j’ai le prochain tome de Gus qui sera en trois chapitres, un point pour savoir où en sont les héros.
Ensuite effectivement je suis très tenté par le cinéma, par la réalisation. Je suis dans un monde, celui du dessin et du scénario, où je suis tout seul. Je raconte des histoires et cela serait marrant de voir ce que ça donnerait sur un film. Diriger des acteurs c’est une dimension supplémentaire. L’interprétation des autres, se mettre dans la peau de ses personnages, pas évident mais très tentant. Pourquoi pas aussi un spectacle sur scène adapté de La Fille ? (note : Christophe Blain a toujours les yeux qui pétillent d’envie et de joie, de vie. Le diaporama des photos prises pendant l’interview par Sidney Truc en sont la preuve. La Fille s’écoute, se regarde, sans temps mort, ni fausse note).
Propos recueillis par Jean-Laurent Truc
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