Festivals

Tardi invité d’honneur de la Biennale du 9e Art 2013 à Cherbourg

Du 29 juin au 1er septembre, la Biennale du 9e art de Cherbourg-Octeville aura pour invité d’honneur, Jacques Tardi dont l’album Moi René Tardi prisonnier de guerre a été sélectionné parmi les indispensables de l’été. A travers plus de 200 œuvres, d’Adèle Blanc-Sec au Secret de l’Étrangleur, la Biennale se penchera sur le rôle et la place des images dans l’œuvre du dessinateur, en explorant les thèmes qui lui sont chers : l’Histoire, le fantastique, la littérature et les représentations urbaines. (reprise du dossier de la Biennale)

Jacques Tardi à Cherbourg pour la Biennale. Photo JLT ®

Après Moebius en 2011, Tardi est l’invité d’honneur de la Biennale 2013. Le musée Thomas-Henry qui accueillait les précédentes Biennales étant fermé pour travaux, c’est dans le décor des Salons de l’Hôtel de Ville, construits sous le Second Empire, inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, que l’œuvre du père d’Adèle Blanc-Sec sera présentée. Une œuvre qui s’insère tout naturellement dans ces lieux chargés d’histoire.

« Cette Biennale du 9e art a été conçue avec la collaboration de la Galerie Oblique, éditeur d’estampes de Tardi, explique Louise Le Gall, conservateur des musées de Cherbourg-Octeville. Depuis 2002, la Biennale explore le champ de l’esthétique des images dans la bande dessinée contemporaine. Avec Tardi, nous nous plaçons dans une perspective différente : pour l’auteur, il ne s’agit pas de produire une belle image, mais une image qui sert le contenu auquel elle se rapporte. De fait, les impératifs qui prévalent, lors de sa création, ne sont pas esthétiques, mais sémantiques. Cette question de l’image signifiante constitue le fil d’Ariane de la Biennale Tardi, qui présente environ 200 œuvres de l’auteur, estampes, dessins, et pour la première fois, les planches originales de l’album Le Secret de l’Étrangleur, paru en 2006 ».

La première partie de l’exposition proposera une rétrospective des estampes de Tardi. « Tardi est l’un des premiers auteurs à avoir pratiqué l’estampe de création dès les années 80. Nous déclinerons 4 thèmes : l’Histoire, l’étrange, la littérature et la représentation de la ville dans son œuvre ».

Tardi face à l’histoire : de la Commune à la Grande Guerre

Dans le Grand Salon, environ 100 originaux et estampes illustreront ces thématiques, avec une scénographie discrète, conçue pour s’harmoniser avec les éléments de décor existant. La guerre et ses atrocités sont l’un des sujets récurrents de ce petit-fils de poilu et fils d’un militaire qui refusa de faire la guerre d’Indochine. Il est ainsi le premier auteur de bande dessinée à avoir consacré une partie de son œuvre à la mémoire de la Grande Guerre. « Je veux montrer que des mecs de vingt ans sont allés mourir… Deux armées ne pouvant plus progresser à l’horizontale sont allées s’enterrer ». La Première Guerre mondiale lui inspire notamment le poignant portfolio Vue du front après la bataille où il nous plonge dans l’horreur absurde d’une tranchée, décrite du point du vue du soldat ordinaire. En huit arrêts sur image, Tardi montre la souffrance, la violence, les corps mutilés. Ces œuvres ne sont pas sans évoquer les eaux-fortes de deux autres grands contempteurs de la guerre, Goya et Otto Dix.

Un grand diptyque sérigraphié, 14-18, les estampes au pochoir imprimées par les Imageries d’Épinal Pellerin pour le Trou d’obus ainsi que le dessin original de No Man’s Land, fresque réalisée par Tardi pour le Musée de la Grande Guerre à Meaux, complètent cet ensemble.

En 2001, Tardi aborde une autre page sombre de l’histoire française, la Commune de Paris, en adaptant le roman de Jean Vautrin, Le Cri du peuple qui évoque l’insurrection des classes populaires parisiennes contre le gouvernement et la répression sanglante qui s’ensuivit, en 1871. Les quatre volumes composant Le Cri du peuple se sont accompagnés de huit lithographies en noir et blanc, scènes de rue et de résistance sur lesquelles se détache le Drapeau rouge des communards. Ces images, traversées d’un souffle épique, accèdent au statut d’icônes universelles du combat populaire.

Un voyage dans le monde de l’étrange et du fantastique

Avec les couvertures d’Adèle Blanc-Sec, le visiteur s’embarque pour un voyage dans le monde de l’étrange et du fantastique. Il découvre ainsi une facette plus romanesque, plus ludique aussi, de l’œuvre de Tardi : un univers riche en clins d’œil au roman feuilleton populaire. «L’auteur s’amuse avec les codes du roman feuilleton, les effets de surprises et de faux-semblants pour le plus grand plaisir du lecteur», souligne Louise Le Gall. L’exposition présente une série de quatre couvertures alternatives d’Adèle : démons, monstres, animaux effrayants s’y déploient, dans une ambiance steam-punk réjouissante. Ces sérigraphies permettent d’explorer la composition des couvertures des albums de Tardi : statiques, souvent théâtrales, les images attirent l’œil de façon quasi-magnétique.

Le portfolio Décalage, présenté dans la même section, regroupe les toutes premières sérigraphies de création réalisées par Tardi en 1983. Cinq images, narrant une sombre histoire de meurtre et de fœtus siamois en bocal, dans une inquiétante atmosphère nocturne. Ces sérigraphies ont contribué à changer le regard des auteurs de bande dessinée sur les estampes : auparavant considérée comme un simple moyen de reproduire telle ou telle image, l’estampe est devenue, avec Décalage, un champ à part entière de la création.

Romans en images

La littérature occupe une place fondamentale dans l’œuvre de Tardi qui s’adonne régulièrement au délicat exercice de l’adaptation littéraire. Les sérigraphies éditées pour Nestor Burma, adapté des polars de Léo Malet, et présentées s’inscrivent dans un registre réaliste, les cadrages, les attitudes faisant écho à l’univers parisien décrit par le cinéma français de l’époque.

L’amour de Tardi pour la littérature s’est aussi exprimé à travers un monumental travail d’illustration des romans de Louis-Ferdinand Céline, Le Voyage au bout de la Nuit et Mort à Crédit. La Biennale réunit dix phototypies issues de cet ensemble. Tardi, en symbiose avec le désespoir empli d’humanité de Céline, livre des images directes, sans détours ni concessions, où le mal-être se retranche dans les recoins les plus sombres d’un subtil noir et blanc. La dernière section de cette première partie, plus poétique exposera le Paris de Tardi, grand amoureux de la capitale qu’il arpente inlassablement. Tardi se fait le chroniqueur de la capitale d’autrefois et d’aujourd’hui. Pavés luisants sous la pluie, éclairage vacillant des réverbères, rues désertes, perspectives fuyantes sont à la fois décor et acteur de ses créations.

Cherbourg vue par Tardi

Dans la Rotonde, salle octogonale plus intime, sera présentée une œuvre originale réalisée par le dessinateur pour la Ville et mettant en scène la gare transatlantique visitée lors d’un récent passage à Cherbourg-Octeville. On y retrouve les icônes de la cité – la gare transatlantique, un paquebot, un parapluie -, humoristiquement bousculées par l’auteur. Tardi s’inscrit ici dans la continuité des auteurs de la Biennale qui ont créé une œuvre originale sur Cherbourg et le Cotentin.

Le Secret de l’Étrangleur en version originale

La visite s’achèvera avec la présentation – pour la première fois – de l’ensemble des planches originales de l’album Le Secret de l’Étrangleur publié en 2006 chez Futuropolis, d’après le roman de Pierre Siniac, Monsieur Cauchemar. L’histoire narre les crimes perpétrés par un libraire désabusé et amoral dans un Paris paralysé par le brouillard, le froid et une grève des forces de l’ordre. On retrouve dans cette œuvre les thèmes chers à Tardi : la description du Paris des années 1950 et de ses habitants, petits commerçants, gamins des rues, le second degré et un remarquable travail graphique sur la restitution de décors embrumés, servis par un noir et blanc très contrasté. La présentation des planches originales de l’Étrangleur offre au spectateur une plongée fascinante dans le processus de création de Tardi : la recherche de l’image la plus signifiante, de l’adéquation parfaite entre le récit et le dessin, le travail de découpage et de cadrage, l’expression juste du mouvement.

La Biennale 2013 est organisée par le musée d’art Thomas-Henry et l’Artothèque, en partenariat avec la Galerie Oblique à Paris.

La galerie Oblique

Située dans le Village Saint-Paul à Paris, en plein cœur du Marais, la Galerie Oblique présente, à côté des créations existantes, des œuvres originales inédites mettant en valeur toutes les facettes du talent de l’artiste : un lieu rare et spécifique de promotion des arts graphiques et de la bande dessinée. Pierre Marie Jamet, son directeur, passionné depuis plus de 40 années par la bande dessinée, éditeur, graphiste, Jury « bande dessinée alternative » au festival d’Angoulême, et concepteur d’expositions, anime la recherche d’auteurs confirmés et en devenir : « la bande dessinée suscite, depuis quelques années, un grand engouement, elle est devenue véritablement un art à part entière et est désormais omniprésente dans notre paysage culturel. C’est pourquoi nous proposons d’exposer des œuvres d’auteurs de bande dessinée sur nos murs et en dehors de nos murs comme les Centres Culturels, les Espaces d’Art, des Festivals, des Galeries, des Salons, des Bibliothèques, des Médiathèques, des Artothèques, des Fondations, des Musées, des Associations, des Écoles, des Instituts, des Maisons de l’Image, des Lieux d’Art Contemporain ».

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