Frédéric Bézian est chez Azimuts à Montpellier en dédicace le 21 septembre 2019. Il vient de sortir sa libre adaptation du roman de Steve Tesich, Karoo. Un voyage halluciné et très réaliste au royaume des scripts doctors, spécialistes de la réécriture de films en mal de succès futur. Karoo, c’est aussi une lente descente aux enfers d’un homme qui voudrait réécrire sa vie, renaître, le souvenir des voyages d’Ulysse en fond de plan et son retour à Ithaque où l’attend Pénélope mais surtout un fils qu’il ne connait pas. Bézian a complètement investi l’œuvre de Tesich. Pour ceux qui n’ont pas lu le roman, ils pourront se demander si ce n’est pas Bézian le seul auteur de ce roman graphique au trait si personnel, reconnaissable et captivant.
Saul Karoo boit mais n’est jamais vraiment saoul. Il fait semblant même en ayant ingurgité sa dose. Un cas à tout point de vue. A une soirée de réveillon, il y a son fils, Billy, avec lequel il n’a pas de contact. Saul se verrait bien tourner l’Odyssée version SF, sur mer ou dans l’espace. Début des années 90, à New York. Karoo a besoin de faire des bilans médicaux, d’une assurance médicale. Son ex-femme veut lui parler de son fils qui cherche à le rencontrer, se rapprocher de lui. Saul est appelé en urgence par un producteur. Il y a un film à sauver, à rendre vendable, et c’est son job. Un réalisateur mythique a signé un long-métrage à ses yeux ultra-mauvais.
Le déclic sera la cause du film, ce que Saul va y trouver, y déceler. Le hasard d’une voix qu’il reconnait, Saul trouve le moyen, le levier de se refaire, se recréer, lui le désespéré. Détruire et réécrire le film, sa solution, hasardeuse et machiavélique. Il va tirer un fil qui va le relier à sa propre vie. Bézian transforme, transfigure, il le revendique. Bichromie, découpage, il complète le roman, y apporte sa propre matière, le rebâtit. Des personnages qui seront des marionnettes. Le drame est là, dès le début. Une création de Bézian impressionnant de talent, une fois encore.
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