Un dandy, mélange de Peter Pan et de Petit Prince, Charles Nungesser était un aventurier impénitent, As de la chasse en 1918, acrobate aérien après guerre. Son dernier vol à bord de l’Oiseau Blanc reste aujourd’hui son titre de noblesse. Nungesser et Coli, son navigateur, n’ont jamais atteint l’Amérique le 8 mai 1927. Fred Bernard et Aseyn signent chez Casterman une foisonnante biographie hagiographique donc embellie de 150 pages. Décollage immédiat vers ces cieux insondables qui ont accueilli l’âme d’enfant capricieux de Charles Nungesser. Texte de Jean-Laurent TRUC également publié dans le mensuel ZOO de septembre.
« J’ai fait des essais et Fred a aimé », se souvient Aseyn. « J’ai apprécié cette collaboration que nous devrions d’ailleurs renouveler. Je suis resté pointilleux pour éviter des anachronismes dans mon dessin. Je suis allé sur des sites spécialisés. J’ai totalement travaillé sur ordinateur. C’est plus simple et permet d’avoir aussi une vraie homogénéité dans le trait. Sur papier on dessine. Sur écran on fait une image. »
Comme Nungesser et Coli pour l’Atlantique, le duo Fred Bernard et Aseyn s’attaquait aussi à un défi. Redonner vie à Nungesser, enfant gâté, sale gosse génial, qui a eu un destin d’exception. A 15 ans il part en Amérique du Sud, devient coureur automobile, boxeur, monte dans un Blériot et décolle sans jamais avoir piloté. Un casse-cou que rien n’effraie. Il voudra toute sa vie que son père soit fier de lui. Le jeune Charles s’embarque dans la foulée dans la Grande Guerre en 1914. Héros vite décoré, il demande à passer dans l’aviation. Sa légende commence.
Et puis il y a le séducteur, le beau mec au regard sympathique que Aseyn dessine plus juvénile que dans la réalité, le tout en noir et blanc, d’un trait aussi léger que l’air qui porte l’Oiseau Blanc. Nungesser, on l’adore ou on le hait. A ses côtés, toute sa vie, il y aura la belle et amoureuse Émilie. Fred Bernard lui a inventé ce prénom et en a fait la narratrice de la course à la gloire de Nungesser. Elle a vraiment existé. Jamais Nungesser, qui épousera Consuelo la riche américaine, ne s’éloignera d’Émilie. « J’ai imaginé qu’Émilie se moquait un peu de lui. Elle montre l’envers du décor ».
Après la guerre Nungesser monte une école de pilotage et fait faillite. Le pilote n’est pas un gestionnaire. Il lui faut la gloire encore et toujours. Il part en Amérique dans un cirque aérien, reconversion de ces pilotes qui inondent le marché. Il tourne même un film où il joue (mal) son rôle. Et puis il y a la chasse aux records, la traversée de l’Atlantique. Nungesser, affirme Fred Bernard, veut « vivre plus fort que pendant la guerre. Et c’est l’Oiseau Blanc avec Coli son navigateur. Il s’envolent et n’arriveront jamais à New York. On ne sait toujours pas ce qui s’est passé. C’est Lindbergh qui sera le premier dix jours plus tard ». Nungesser a eu une existence aussi dense que l’album qu’on lui consacre. Sans l’Oiseau Blanc et son mystère, pas sûr qu’on se souvienne encore autant de lui. Comme le dit Fred Bernard « je voulais qu’on soit ému à la fin, qu’on se soit attaché à lui, à ce charmeur héroïque qui a fait de sa vie une légende ».
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Nungesser, par Fred Bernard et Aseyn, Casterman, 150 pages noir et blanc, 23 €
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