Il a donné vie à un goupil qui est un vrai roman à lui tout seul. Benjamin Renner a créé une erreur de la nature. Son renard adopte des poussins, devient leur mère et empêche que la bête locale, loup cynique et affamé, transforme la portée en goûter. Benjamin Renner, très pudique, explique comment et pourquoi il a mis beaucoup de lui dans ce Grand Méchant Renard (Delcourt Shampooing). C’était au Salon du Livre où il s’est confié à ligneclaire.info.
Votre Renard devient une mère poule sans le savoir.
Ce sont un peu mes origines campagnardes qui ressortent. Enfant dans le Sud je passais devant les couveuses. Et on m’avait dit qu’un poussin prenait pour sa mère celui qu’il voyait en premier. J’avais la trouille de voir des poussins me suivre. Je ne me sentais pas une âme de mère. Et comment les élever ? J’ai réfléchi à une histoire avec cette drôle de trame.
Drôle, très drôle même. On pense au Roman de Renart bien sûr.
J’avais adoré le Roman de Renart. Il m’a influencé mais cette fois le renard devait être un perdant, un peu paumé, pas le rusé du roman auquel j’aurais bien voulu ressembler. Il va souffrir de sa réputation. Il ne sait pas qui il est vraiment et en cela il me ressemble. Renard va devoir s’accepter loin de l’image qu’il voudrait donner. Le loup aussi est intelligent dans mon récit, très loin du souffre-douleur du Roman de Renart.
Le héros du renard, c’est le loup, un dur, au regard ténébreux.
Oui, c’est son modèle. Il aimerait être le loup, accepté sur le même plan que lui. Exactement ce que j’ai vécu jeune. Tous les personnages de l’histoire sont dans mon imaginaire depuis l’enfance. Je suis un fan de La Fontaine, des métaphores de ses fables. Il y a beaucoup de moi, de la façon dont je vis le monde. J’adore aussi le côté narratif et fable sociale des Schtroumpfs par exemple.
On vous sent inquiet et pourtant Le Grand Méchant Renard est un monument d’humour, noir, un peu british ?
Je suis inquiet de savoir comment sera reçu l’album. J’aime parler d’un problème, écrire une histoire sans que cela devienne un conte. J’explique en fait comment je suis arrivé à ne plus me soucier de l’image que je devais donner. Je m’en moque aujourd’hui, comme Renard.
Vous venez de l’animation. Cela vous a aidé ?
Beaucoup. J’ai évité des pièges comme des scènes trop muettes. J’adore faire bouger les personnages. J’ai limité les décors. La première case est essentielle. Je dois redémarrer sur l’action dans la foulée. Je suis un adepte du dessin à la Sempé. C’est une écriture. Je travaille en petits formats avec des dialogues et je me bloque sur le scénario si je ne dessine pas avant l’histoire. Je n’ai pas ainsi la lourdeur du scénario à écrire, je passe au story-board immédiatement.
Mon synopsis est rapide. Je crayonne dans mes carnets que voici (voir les photos) de petits dessins, je fais mes choix et passe ensuite à la tablette. J’imprime et fais l’encrage à la main sur papier et l’aquarelle en direct, en format A4.
Je l’ai proposé à Lewis Trondheim qui a accepté le projet sur un début de synopsis et sans savoir la fin pour la collection Shampooing. C’est grâce à lui que j’ai pu aller au bout. J’ai un autre projet déjà écrit et story-boardé mais que je vais proposer à un auteur. Une histoire de super-héros naïf, un enfant certes aux pouvoirs énormes mais qui réagit comme l’enfant qu’il est.
Renard serait un parfait héros de dessin animé.
Cela devrait se faire. Un 26 minutes. On verra mai j’ai aussi envie de continuer le Renard mais avec d’autres personnages ou un univers plus féminin.
Vos lectures en BD ?
L’Association bien sûr avec Sfar, Blain, Guibert. L’album Cet été là. Et des références comme Hergé, Morris et surtout les scénarios de Goscinny en particulier pour Lucky Luke.
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