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Une Vie de moche, vous qui passez sans me voir

On avait beaucoup aimé Mâle occidental contemporain de François Bégaudeau avec Clément Oubrerie au dessin. Idem pour Wonder. Auteur subtil, ancré dans la réalité, chroniqueur de l’instant, Bégaudeau prend goût à la BD et signe un nouvel album tout aussi fort que les précédents, Une Vie de moche, avec au dessin Cécile Guillard dont c’est le premier album. Le titre dit presque tout. Pas belle, au moins à se yeux, une petite fille devient une femme solitaire qui finira quand même par s’accepter. Mais avant la souffrance sera de la partie. Qui n’a pas rencontré, croisé, un personnage semblable ? Qui lui a apporté, sans fausse pitié, affection ou amitié ? C’est là où le récit de Bégaudeau fait mouche sur un dessin très convaincant. Vous qui passez sans me voir…

Elle se raconte Guylaine, déjà pas vraiment gâtée par son prénom. Tout le monde l’aime, ses parents la protègent. Elle est unique comme tous les bébés. Tout commence bien à la crèche ou à la maternelle. Elle a un bon copain, Gilles. Ils sont inséparables et puis arrive le temps de la chute, des copains avec qui ont veut aller jouer. D’accord mais pas la moche, pas Guylaine. Comment peut-on comprendre à cet âge ? Qui c’est la moche, victime de la méchanceté gratuite de gamins attardés ? Pourtant quand elle se regarde dans une glace elle est mignonne Guylaine. Elle demande à ses parents si elle est moche. Réponse évidemment négative mais aveuglée peut-être par l’amour. Mais alors c’est quoi être moche ?

On se compare, on regarde télé et magazines, ces faux miroirs de la non moins fausse beauté. Guylaine cherche, grandit et se fond dans la masse, volontairement. Elle s’analyse, souffre, attend le chevalier servant. François Bégaudeau la décortique, Cécile Guillard zoome, montre la femme qui ruse, comprend et finira par s’accepter, jouer un rôle sur une scène comme dans la vie, faire des rencontres qui l’aident. La narration est un plaisir. Le ton est juste, les questions intelligentes, la montée en puissance d’une émotion trop contenue pour un final superbe. Un très bel album, rare et enthousiasmant.

Une Vie de moche, Marabulles, 25 €

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