Une biographie précoce, au ton juste, émouvant, sans fard, Joann Sfar a signé avec La Synagogue un retour aux sources. Celles de sa famille, élevé par un père (son héros ?) beau gosse, pied-noir d’Alger, avocat combattant, et on le croit, très proche de son fils. En toile de fond il y a le judaïsme, la religion juive avec pour beaucoup (mais pas tous) ses mystères ou idées préconçues, un antisémitisme latent, renouvelable de génération en extrêmes noirs aujourd’hui. Le tout est une tranche de vie qui aurait pu s’arrêter sur un lit d’hôpital pour cause de Covid. Ce sera le déclic, l’étincelle qui a mis le feu aux souvenirs de Sfar qu’il a rassemblés, assemblés, investis. Au point qu’une fois de plus on se sente un peu de la famille, touché et ému car sa Synagogue est bourrée de vérités et de sentiments authentiques. Couleurs Brigitte Findakly.
A 17 ans Joann est agent de sécurité de sa synagogue à Nice. Dieu est content. A 49 ans il évite la mort par virus invincible. Oxygène, éviter la réa et Kessel, le grand Jeff, le maître à ses côtés. Kessel qui aurait pu tuer Hitler. Romain Gary est aussi pas loin. Ado, Sfar veut sur battre et sa seule cible est un skinhead. Un juif doit se battre, se défendre. Kessel savait le faire. Pas vraiment Joann qui piste sa proie, provoque, pour rien. Dieu et ses anges à Nice, la mort à l’hosto mais Kessel le héros des russes blancs se saoule et casse tout. Retour à la synagogue de l’enfant Sfar avec son papa. Ils crient trop les juifs, il a peur. Mais son père lui inculque la volonté de se battre. Joann amènera un Schtroumpf à la synagogue, ira en jeans, la protégera quand le risque d’attentats ne fait qu’augmenter. Son père lui racontera son Algérie, son désir d’être avocat pour lutter contre l’injustice, son passage à tabac par des ultras. Un papa qui fait rêver les filles, une maman trop tôt disparue. L’antisémitisme le frappe au CM2, coups de fils anonymes, menaces. Protection policière et rage d’enfant à une époque où négationnisme, extrémisme de petits nazis tarés envahissent le débat.
Banalisation du terrorisme, attentats Copernic ou la Rue des Rosiers, Sfar progresse dans sa recherche de son propre système de défense. Kung-fu avec Saïd, répondre aux agression des fachos, il va passer aux actes, se former, grandir, comprendre, jeune ado. Une réflexion sur lui-même, le Nice de Jacques Médecin, son père conseiller municipal qui démissionne après un passage de Le Pen, un ancien SS, une jolie prof de défense, une vie pas banale cependant qu’il feuillette et nous avec d’un ton pas si léger, sans regrets, avec ses joies et ses doutes. Le Chat du Rabin est à ses côtés. Auschwitz, l’Holocauste, cœur endurci et documents pour finir avec un éphéméride des dates sanglantes qui ont marqués son existence en 50 ans. Rien à ajouter, La Synagogue mérite vraiment qu’on y entre pour y retrouver un Joann Sfar en toute communion.
La Synagogue, Dargaud, 25,50 €
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