Et si aimer ce n’était pas de la tarte ? En fait comme l’amitié. De l’Air de Gabrielle Piquet n’est pas l’hymne à l’amour mais une digression intuitive soignée, subtile et tendre sur ces sentiments qui pourtant conditionnent nos vie. Un trait léger, des petits héros qui à travers leurs mots joliment choisis pour en faire une sorte de recueil du « à ne pas faire quand on aime », on dira que l’autrice philosophe un brin. Peut-être mais avec une sincérité qui pousse à passer de l’un à l’autre de ses dessins à la douce ambiance folle parfois, à la limite de l’absurde que l’on rattachera à Montaigne, elle le revendique et qui dit Michel de Montaigne sous-entend le poète Étienne de La Boétie qu’il rencontra à Bordeaux en 1558 et avec lequel il eut une amitié sans pareille, « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Un hymne à la paix et à la tendresse à lire, à méditer avec plaisir.
Janis et Jonas sont au diapason depuis le jour de leur rencontre. Évidence, éblouissement mutuel, pour en parler les mots manquent. Alors dessiner, légender, pour bien montrer qu’ils ne fuyaient pas leurs semblables car ils n’en avaient pas. Doués, bourrés de talent, le duo vit en autarcie, on est bien chez soit. L’avant-garde vit toujours en marge et se comprend avec son propre langage. Raison ou déraison ? Et cette petite ville insulaire qui va voir arriver Giuseppe, il lévite et va former un trio qui bientôt aura un vilain virus à affronter en se cachant enfermé.
Un mélange audacieux mais loin d’être hermétique. Poétique sur l’amour qui coupe du monde, impose une solitude. En harmonie on ne vit pas en théorie. Sempé n’est pas très loin à plus d’un titre. La richesse du dessin calibré, détaillé, les mots toujours qui brillent, font du bien, pour nier l’homme sans qualités qui exige tout des autres, Gabrielle Piquet dont c’est le premier album en couleurs a su manier avec une belle audace trait et texte qui séduisent, enchantent et émeuvent.
De l’Air, Éditions Seuil, 22 €
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