Edgar, sincère ou mégalo ?

Sacré Edgar, il en a vu des choses dans son Portugal sous tutelle extrême, avant 1974. Il a tout fait, combattant militant, révolutionnaire insoumis. Et en prime il est le beau-père de Mathieu Sapin qu’on aime bien, chroniqueur expert. Edgar va donc devenir un héros de BD. Il a tout pour, la gueule et la gouaille. On quitte avec Sapin les ors de la République et des campagnes présidentielles pour suivre à la trace les souvenirs parfois curieux si ce n’est bizarre d’un homme où on se demande à la fois si il est mégalo, sincère et l’intérêt de raconter sa vie sur 160 pages. Si, il y en a un majeur : revenir sur la dictature de Salazar oubliée, comme aussi sur la Révolution des œillets, une époque où Espagne et Portugal ont su dans la paix et le calme basculer vers la démocratie. Et porter un regard honnête sur la crédibilité des témoignages.

Edgar

2017, Lisbonne, Mathieu rencontre son éditeur qui attend de lui depuis des années une BD. Un polar dans le style du Faucon maltais ? Il n’y croit pas Mathieu. Par contre son beau-père, Edgar, mais ce n’est pas son vraiment prénom car il écrit. Sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille, marxiste pendant la dictature, réfugié en France. Et si finalement c’était lui le héros de la BD de Mathieu ? Il lui fait penser à Don Quichotte dont Mathieu va devenir le Sancho Panza. Il est partant Edgar, au physique d’un McQueen ibère. La vérité que la vérité. On démarre dans le village où Edgar aurait eu un ancêtre écrivain au XVIe siècle. Ça part bien. Sans oublier les espions chinois qui obsèdent Edgar. Retour sur l’enfance d’Edgar, la maison où il est né. Edgar, Mathieu le connait depuis 20 ans. Parcours ponctué de confidences jusqu’à un panorama où il parle de Wellington, le général anglais qui a battu Napoléon, aussi un ancêtre d’Edgar.

Ce qui est sidérant c’est la logique du discours d’Edgar. On finit par s’y attacher comme à un grand-père hors normes qui vous fait ses confidences en enjolivant le décor, explique comment il en est arrivé à être contre la dictature, prêt à aller se battre en Angola. Ça aussi on a oublié la politique coloniale du Portugal. Lisbonne passée au crible, Edgar n’a pas eu une vie facile et Mathieu glisse les intermèdes historiques. Salazar prend le pouvoir en 1932, le perd en 1968, une mauvaise chute. Le poids de la police politique, les disparitions. Le Front d’action populaire, on en passe. Donc question : jusqu’où peut-on se fier aux témoignages en particulier historiques. Pour l’avoir vécu, un témoignage ne doit jamais être pris pour argent comptant même d’un acteur des faits. Recouper, disséquer, confronter, accepter que le témoin ne détienne pas toute la vérité, la fantasme, la brode. On en est là avec Edgar qui, quoi qu’il en soit est un personnage attachant qui valait bien la promenade en fait que Mathieu Sapin a su décrypter.

Edgar, Dargaud, 24 €

3/5 - (4 votes)