Umberto Eco et Milo Manara, Le Nom de la rose ne pouvait trouver meilleure association pour devenir une BD en deux tomes. On dira que c’est le film de Jean-Jacques Annaud qui a donné vie visuellement le premier à l’univers tragique, mystique et policier d’Eco dans un XIVe siècle où obscurantisme, fanatisme religieux vont pourtant être battus en brèche par le frère Guillaume de Baskerville, enquêteur de talent, observateur minutieux que Holmes ne pourrait renier. Nom en prime. Le livre a été un succès sans pareille, des millions d’exemplaires, le film aussi où Sean Connery était un Baskerville époustouflant. Manara, sauf erreur ou vision diabolique, a choisi Marlon Brando pour l’incarner avec à ses côtés son Watson secrétaire, le jeune Adso de Melk. Le tout donne avec le talent de Manara, des oppositions volontaires de trait pour marquer les époques ou les retours en arrière historiques, un remarquable travail pour un album qui marquera son œuvre et ses lecteurs.
Umberto Eco ouvre le bal en quelques pages, parle à celui tient l’album entre ses mains. Origines du récit, de l’inspiration, de ces moines qui enluminaient les manuscrits dans leur abbaye dont ils ne sortaient pas. Grande Histoire, conflits d’empereurs germaniques, de papauté, Franciscains, courants déviants, inquisition, c’est en 1327 que Baskerville, en mission dont son secrétaire Adso ne sait rien, arrive au pied d’une superbe abbaye fortifiée du nord de l’Italie entourée de neiges profondes. Un comité d’accueil sur le chemin, des moines du monastère intrigué par les détails que donne Baskerville sur un cheval fuyard. Plus tard après s’être reposé le recteur qui dirige les lieux sait qui est Baskerville. Il s’est distingué pour son rôle perspicace et humain comme inquisiteur. Il lui raconte ce qui vient de se passer, la mort d’Aldeme d’Otrante jeune et brillant enlumineur qui s’est écrasé aux pieds des remparts. Meurtre, suicide, accident ? De sa couchette Adso entend tout.
Un très subtil jeu des couleurs pour cette enquête hors normes médiévale, Adso le narrateur, des personnages auxquels Manara a donné certes un relief mais surtout une vie totale en gardant, ce qui n’a pas dû être simple, toute la richesse du texte initial, sans le trahir. Un texte quand on lit le roman d’une rare qualité, parfois difficile. Les scènes, les reconstitutions de l’abbaye sont dignes des grands peintres, enlumineurs. Manara fouille le détail d’un regard, du pli d’une robe et retranscrit les dessins du moine décédé remarquablement. On dirait du Bosch. Grands espaces extérieurs sous la neige dominés par le donjon de l’abbaye, diableries et souterrain, la ronde des ribauds dont est originaire l’un des moines au curieux faciès, et enfin une diablesse au corps de rêve, on est bien dans du Manara. Les couleurs sont de sa fille. Milo Manara a ajouté avec Le Nom de la rose, un vrai chef d’œuvre à sa bibliographie.
Le Nom de la rose, Tome 1, Glénat, 17,50 €
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