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Le Serpent à deux têtes, usurpation d’identité

Une aventure ethnique avec une part mystique, basée sur des faits réels, sur aussi ce qu’ont été les débuts de la conquête de l’Australie, sur la perte d’indépendance des peuplades aborigènes. Le Serpent à deux têtes pourrait être avant tout un duo qui va vivre une expérience incroyable, une usurpation d’identité et non des moindres. Gani Jakupi (El Comandante Yankee) rassemble un guerrier aborigène ressuscité et un fuyard anglais condamné à la relégation en Australie que l’on veut peupler. Sauf que l’un et l’autre finiront par ne plus faire qu’un, mélange culturel inattendu mais pas pour autant salvateur. Qui donne un album hors du commun, beau et sensible.

M’rrangoureuk, le guerrier aux deux serpents tatoués va raconter son histoire. C’est un guerrier de forte carrure mais qui meurt au combat. On l’enterre et on plante sa lance sur sa tombe. Et quand plus tard trois jeunes aborigènes trouvent un homme hirsute qui a l’air d’un cadavre, à la peau pâle, la lance de M’rrangoureuk entre les mains ce ne peut être que lui revenu de chez les morts. Sa veuve au village ne le reconnait pas. Mais tous pensent que le revenant a besoin de leur aide. Preuve de plus le serpent sur le bras de l’homme qui se tait pendant la fête en son honneur. M’rrangoureuk a une case à l’écart près de la rivière. Une vieille femme confirme son identité, elle a été jeune l’amante de M’rrangoureuk. Peu à peu il s’intègre à la vie de la tribu, chasse, mais ne peut se battre. C’est tabou pour un revenant.

Le Serpent à deux têtes est une construction littéraire astucieuse, savoureuse. On sait dès le départ que ce M’rrangoureuk à peau claire est un blanc mais qui a toute l’expérience d’un aborigène qu’il n’est pas. Alors d’où vient-il dans cette Australie désertique du XIXe siècle. Le suspense mérite qu’on n’en dise pas plus. Pourtant un certain William Buckley va entrer dans la danse. Gani Jakupi (on se souvient de Matador avec Labiano) a su associer en parfaite osmose trait et récit qui raconte le parcours sans pareil d’un mort-vivant qui a su s’adapter à sa nouvelle civilisation bien que l’ancienne réapparaisse en temps voulu. Du London ou du Defoe.

Le Serpent à deux têtes, Noctambule Soleil, 18,95 €

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