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#J’accuse, Dytar met Dreyfus sur le net

On pourrait rapidement dire, J’accuse, encore ? C’est vrai que l’édito de Zola dans l’affaire Dreyfus a été maintes fois évoqué, transcrit en BD. Comme aussi la vie, la mort de son illustre signataire. Mais cette fois Jean Dytar que l’on avait croisé pour La Vision de Bacchus puis FloridaLes Tableaux de l’ombre est un des rares magiciens du 9e art. Avec son #J’accuse il a mis en boite au sens propre du terme une évocation pointilleuse de l’Affaire Dreyfus en se demandant, si elle se passait aujourd’hui, le web et les réseaux sociaux changeraient la donne. On va donc tourner des pages dans un format à l’italienne pour simuler un écran d’ordinateur avec des onglets accessibles pour avoir une réalité augmentée proposée sur plus de 200 pages. Pour y accéder il faut télécharger l’application Delcourt Soleil + sur tablette ou smartphone. Et on a les documents disponibles en relation directe avec les pages.

Des fichiers et des écrans, tout commence le 29 octobre 1894 et des rumeurs courent dans Paris. Et dans une certaine presse on parle de l’arrestation d’un officier juif pour espionnage en faveur de l’Allemagne. Il faudra du temps comme le raconte Mathieu Dreyfus pour que le nom de son frère soit publié. L’affaire du capitaine Dreyfus peut commencer. Les acteurs sont en place et la fin écrite d’avance. Mais il y aura dès le départ des états d’âme, des zones d’ombre sur fond d’antisémitisme, de nationaliste et d’esprit de revanche après 1870. On passe d’un témoignage à l’autre, Léon Daudet, Clemenceau, Jaurès, Mathieu Dreyfus en fil rouge.

Ce sont finalement une succession d’interrogations face à des rapports de force évidents dans lesquels l’armée, sa hiérarchie est toute puissante. Question : l’opinion publique de 2021 ferait basculer ces forces les obligeant à une honnêteté juridique et politique pour en arriver à l’innocence de Dreyfus ? On peut largement en douter quand on sait désormais ce qu’a vraiment été par exemple l’attitude la France au Rwanda qui a laissé faire le génocide Tutsi. Certes c’était loin mais réseaux sociaux ou pas, que l’on qualifie trop facilement de médias hormis un Mediapart, et en tenant compte de la façon de les utiliser, on peut craindre que Dreyfus ait eu le même sort.

300 pages à lire, en noir et blanc, un pavé où il faut évidemment prendre le temps de savourer sa richesse. Jean Dytar a lui fait œuvre de vrai journaliste, a enquêté, sans rien laisser passer, le tout en dessinant d’un trait réaliste dans la lignée des illustrateurs de l’époque et avec un environnement qui est le leur tout en l’appliquant au notre, à celui du web. On a en fait pas qu’un J’accuse réquisitoire mais un dossier, documentaire livré dans une belle boite rouge cartonnée. On parlera d’objet rare et d’ovni mais de très haut vol. Une idée astucieuse à suivre pour voir son impact.

#J’accuse…! Delcourt / Mirages, 29,95 €

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