Un coup au cœur et de cœur, un choc terrible même si on sait à quoi s’attendre pour avoir côtoyé, travaille le sujet de la Shoah de très près. Avec Ginette Kolinka rescapée d’Auschwitz-Birkenau on doit à Aurore D’Hondt une vrai reconnaissance pour avoir su matérialiser l’horreur avec tant de puissance, d’authenticité, celles des camps nazis de la mort, la déportation des juifs d’Europe, plus précisément français dans ce cas. On a vu souvent Ginette Kolinka à l’écran, une des dernières survivantes de l’Holocauste encore en vie aujourd’hui. On avait été surpris par son sourire tranquille, et sa détermination de témoin de cet indicible qui l’a submergé longtemps. Le récit authentique dans les moindres détails est bouleversant. Aurore D’Hondt est un OVNI. Comment ne pas être submergé d’émotion par la simplicité si puissante de son dessin alors que c’est sa première BD sur un sujet à risque où il ne faut pas être hors cadre, où on n’a pas le droit à l’erreur. Il y a tellement de détermination chez cette jeune autrice, de volonté de faire passer un devoir de mémoire imprescriptible qu’elle atteint des sommets inviolés. Le duo qu’elle forme avec Ginette Kolinka est incomparable digne de Maus.
Quand elle est rentré des camps, Ginette Kolinka n’a pas voulu en parler. Puis est venu le temps de la parole et elle est devenue l’une des plus efficaces témoins de la monstruosité nazie. Elle est la dernière des six filles Cherkasky à Paris. Elle va avoir un petit frère Gilbert. Son père est couturier. En 1940 elle a quinze ans et ont recense bientôt les Juifs français mais comment penser un instant qu’il y a danger même si Hitler hurle sa haine, souhaite leur mort. Vient le temps de l’étoile, de l’Occupation, des restrictions, des interdictions, du marché noir. Le père de Ginette finit par comprendre qu’il faut fuir, passer en zone libre en 1942. On dénonce les Juifs, Français contre Français. La famille se sépare en quatre groupes. Ginette part avec deux de ses sœurs, elles sont interpellées mais arrivent par leur décontraction à se faire libérer. Avignon, la paix retrouvée jusqu’au jour où elle rentre chez elle. La Gestapo y a trouvé son père et son jeune frère de 12 ans, son neveu de 14 ans. Elle est la troisième de la famille a être arrêtée. Tous sont expédiés à Drancy. Puis déportés. Sa mère et ses sœurs ont échappé à la rafle.
Un point crucial qui explique en partie ce qui va se passer, c’est la résignation, l’espoir que tout ira bien comme Ginette le dit. Jamais son père qui est dans le wagon avec elle ne pense que c’est la mort qui les attend. Au pire on les fera travailler. Un rêve meurtrier. Le train, les cadavres, l’arrivée à Auschwitz et là on a une des plus atroces parties du récit, le tri et Ginette qui dit à son père fatigué, à son frère de monter dans un camion. Elle marchera. La chambre à gaz est au bout de la route ou son papa et le petit Gilbert entreront main dans la main. Il n’y a rien à ajouter. Il faut lire les larmes aux yeux ce livre, témoin impuissant de ce que Ginette et ses camarades vont subir. Le regard de Gilberte que lui a donné Aurore D’Hondt est sans appel. Comme le dit Ginette « voilà où mène la haine ». On y ajoutera fascisme, nazisme, extrémisme, idéologie malsaine aux propos trompeurs de tous les bords et égoïsme forcené. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Un livre vraiment indispensable.
Ginette Kolinka, récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau, Des Ronds dans l’O, 25 €
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