Catégories : Albums

Goat Mountain, implacable

Les hasards des sorties ont parfois des non pas télescopages mais des rencontres fortuites aux points communs mortels. Goat Mountain, après Ed Gein, tueur en série, c’est un peu la réponse du berger à la bergère. On fait monter les enchères. L’enfance n’est pas un long fleuve tranquille à moins qu’on aime les bains de sang. Faut dire que le jeune héros de Goat Mountain qu’on amène tuer son premier cerf aurait tiré bénéfice, comme Gein, de séjours prolongés chez un bon psy dès la naissance. Enfin bon, O. Carol et Georges Van Linthout (Eldorado) rejouent d’une certaine façon Délivrance et The Deer Hunter en famille. Du trapu, sans pitié ni concession, du violent, typiquement US cependant.

Il y a le grand-père, le père, le fils et un ami qui en ce beau jour de 1978 partent à la chasse dans un coin paumé où traditionnellement un ado devient un homme en tuant son premier cerf. Un 4X4, une route dangereuse, le quatuor connait le coin comme sa poche. Il y a des rites et des flingues, on se groupe pour tuer. Le gamin lui est prêt à tirer sur n’importe quoi. Un cerf, la loi familiale le veut. Un vrai désert, superbe, le grand-père chef de meute pour arriver à Goat Mountain où la famille se retrouve depuis des générations. Parfois il y a des braconniers comme celui que repère le père dans sa lunette, le vise et dit à son fils de venir voir, lui passe le fusil. Et le gamin tire, abat le braconnier devant son père stupéfait. La nature de l’ado a parlé, complètement déconnecté, prêt à partir ensuite chasser son cerf sauf qu’il y a un cadavre dans la nature. Qu’on va chercher mais dont on ne sait pas quoi faire. Le copain il irait direct chez les flics mais pas la famille même si le gamin n’a aucun regret, conscient que le pire est en lui, que les coups rageurs de son père n’y feront rien.

Ensuite, ce sera une longue, pitoyable, horrible descente aux enfers. Les vraies personnalités surgissent, du vieux au jeune. Les esprits se cherchent, corrompus, stupéfaits mais s’adaptent à l’exception aussi horrible soit-elle. On revient en fait à l’âge de pierre. On peut tuer sans rien ressentir. La démonstration n’en est que plus crédible. Les instincts les plus sauvages ressurgissent et ancrés en chacun de nous. Tout est une question d’occasion, de condition. Adapté du roman de David Vann qui attaque le lobby des armes, Goat Mountain est aussi un réquisitoire implacable qui ne peut laisser indifférent, parfaitement mis en scène et dessiné.

Goat Mountain, Philéas, 19,90 €

Partager

Articles récents

La Sagesse des mythes de Yvain le chevalier à la Belle au bois dormant

On avait déjà signalé que La Sagesse des mythes, la collection consacrée à la mythologie…

21 novembre 2024

Pyongyang parano, les blaireaux des légendes

Du vécu un peu amélioré mais qui sur le fond est passionnant et remarquable. Comment…

21 novembre 2024

bd BOUM 2024, c’est ce week-end du 22 au 24 novembre 2024

Récompensé par le Grand Boum-Ville de Blois, David Prudhomme préside la 41e édition du festival…

20 novembre 2024

Mémoires de gris, Tristan et Yseult revisités

Un bel album ce qui est tendance, dos toilé, beau cartonnage et 240 pages, Mémoires…

20 novembre 2024

Un doublé belge de Spa à Bruxelles chez Anspach

On les suit de très près les éditions Anspach car c'est vrai on a un…

20 novembre 2024

Prix Landerneau BD 2024 présidé par Mathieu Sapin, la sélection

L’auteur et dessinateur de bandes dessinées Mathieu Sapin préside aux côtés de Michel-Édouard Leclerc le…

19 novembre 2024