On a pour Baru avant tout une grande admiration pour son talent, pour son dessin qui a la force enlevé de son honnêteté, sa passion pour la justice sociale, ses origines italiennes. Pour Baru, on a aussi de l’affection, de la reconnaissance d’avoir été sous sa présidence à Angoulême membre de son jury en 2011. Il y a des moments privilégiés que l’on n’oublie pas. On y ajoute des déjeuners dont un avec lui et Patrick Jusseaume en 2009 à Angoulême où il apprend que le Grand Prix lui échappe, un passage à Montpellier. Aujourd’hui Baru est de retour avec Bella Ciao, le premier tome de ce qu’on pourrait appeler une auto-biographie mais surtout un hommage à ces immigrants qui finissent par faire partie du paysage, à être comme il le dit transparents. Mais à quel prix. C’est le cas des Italiens en France, pas si loin d’ici, à Aigues-Mortes, la cité du roi Saint-Louis et du sel réunis où une dizaine d’entre-eux ont été massacrés en 1893. Dans Bella Ciao, un titre de combat, il y a de l’amour, beaucoup, de la joie mais aussi du chagrin, de la tristesse. Baru revient sur Les Années Spoutnik et Quéquette Blues en fermant presque le ban mais il y aura plusieurs Ciao.
17 août 1893, ce sont des immigrés italiens qui ramassent le sel à Aigues-Mortes. Avec eux il y a aussi les Ardéchois, bien Français, mais plus vraiment d’Ardèche à cette époque. On emploie tout ce que la crise économique a mis sur le marché. La rivalité est exacerbée au point que la haine s’est installée entre Italiens et Ardéchois moins bosseurs. Il faut chasser à tout prix ces Italiens qui volent le travail des locaux. Chasse à l’homme malgré la gendarmerie à cheval et dix morts, des blessés achevés au pied des remparts. Acquittement général pour les meurtriers. Une entrée en matière, le prix du sang oublié pour cette communauté italienne qui chante plus tard ce que l’on appelle, on croit être l’hymne des partisans pendant la guerre, Bella ciao. Ou d’abord chanson que chantaient les femmes dans les rizières du Pô. Vaste débat avec Riz Amer et la Mangano en short moulant. Toute une histoire sur fond de politique et de double version de Bella Ciao, chant de résistance devenu un classique qu’ont chanté sur leurs balcons les Italiens confinés en avril dernier pour célébrer la Fête de la Libération de leur pays des Allemands. Frissons garantis.
Histoires courtes dans lesquelles Baru est là. Couleurs, lavis, traits seuls pour marquer les frontières entre réalité, fiction, réalité « arrangée ». Teodorico Martini est le narrateur qui ne respecte pas la chronologie. Mussolini, la guerre d’Espagne, la cuisine, la naturalisation, le socialisme, le communisme, tout concours à une fresque qui a pour but de retranscrire ce qu’un étranger doit faire, subir pour ne plus l’être. Quand on sait que souvent dans un village bien de chez nous, après plus de trente ans qu’on y habite, on n’est pas du village, tous les espoirs ne sont pas permis en France. Bien vu Baru.
Bella Ciao, Tome 1, Futuropolis, 20 €
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