Si on a beaucoup parlé à juste titre de Ginette Kolinka, une des rares survivantes des camps de la mort, de la Shoah, encore avec nous, on a moins évoqué le pourtant remarquable album d’Aurore D’Hondt. Ginette Kolinka rescapée d’Auschwitz-Birkenau nous avait submergé d’émotion par la simplicité si puissante de son dessin alors que c’était sa première BD sur un sujet à risque où il ne faut pas être hors cadre, où on n’a pas le droit à l’erreur. Adieu Birkenau reprend le parcours de Ginette Kolinka avant, pendant et après sa déportation. Un document rare car tout se tient dans cette vie brisée par la pire des horreurs, pourtant reconstruite, soutenue par le témoignage de Ginette Kolinka qui comme la plupart des rescapés s’était tue très longtemps. Jean-David Morvan dont on sait tout le travail accompli sur le sujet (Madeleine, résistante) avec Ginette Kolinka, Victor Matet journaliste qui a réalisé sur elle plusieurs reportages, Cesc et Efa au dessin ont donc mis en commun expérience et talent pour ce Adieu à Birkenau atypique, si émouvant et porteur à la fois d’espoir et de chagrin.
Mais pourquoi maman a-t-elle un numéro sur le bras ? Le jeune fils de Ginette s’interroge jusqu’au jour où il tombe sur un livre, KL Auschwitz qu’il lit. Depuis sa mère lui a parlé, raconté comment et pourquoi elle a été tatouée, où, par qui. Octobre 2020, Ginette a 95 ans. Elle parcourt la France, va dans les écoles pour témoigner mais elle va partir en Pologne avec des élèves, retourner au camp. En juin 1942, il faut porter l’étoile jaune en France quand on est juif. On n’a plus de droits. Les Allemands et Vichy y veillent. Ginette est fière de la porter et cela ne l’empêche pas de vivre. Mais la famille va être dénoncée. Il faut fuir, quitter Paris, passer la ligne de démarcation. Ginette et ses sœurs sont arrêtées mais s’en sortent au bluff. Elles rejoignent parents et famille mais un jour en mars 1944, il n’y a plus de zone libre. Ginette devance ses sœurs chez elle où la Gestapo est là, l’embarque avec son père et son petit frère. Sa mère cachée à l’étage est épargnée. Commence alors le long chemin de la déportation vers les camps d’extermination où Ginette va revenir bien longtemps après.
On pourrait dire que la vie a rattrapé Ginette malgré ce qu’elle a vécu, la mort dans les chambres à gaz de son papa et de son petit frère à qui elle dit de monter dans un camion parce qu’ils sont fatigués. Elle ira à pied. Le train, l’arrivée, Simone Veil, la sélection, Birkenau, rasée, humiliée, affamée, ne plus réfléchir ce qui l’a peut-être sauvée. On suit Ginette dans les pires moments de cette horreur qu’il ne faudra jamais oublier. Déporter, tuer, la solution finale ce n’est pas l’œuvre d’une poignée de fous mais d’uns système qui s’appuyait sur un peuple entier. Tout est dit dans cet album dont le sentiment de culpabilité de ceux qui avaient survécu. Ginette Kolika est plus qu’un témoin, c’est un guide éternel.
Adieu Birkenau, Albin Michel, 21,90 €
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