On avait interviewé Fabcaro dès qu’avait été annoncé en décembre 2022 qu’il serait le scénariste du 40e Astérix L’Iris Blanc qui vient de sortir toujours dessiné par Convard. Un nouvel Astérix c’est toujours un évènement, une couverture médiatique en forme de tsunami. L’Iris Blanc n’a pas échappé à la règle. On dira d’entrée que Fabcaro a réussi rebattre les cartes, à entrer dans l’univers très fermé d’Astérix pour un scénariste, à la fois en proposant une histoire modernisée mais très fidèle instinctivement aux plus anciennes pistes, traditions mises en place par Goscinny. Le tout avec un humour en finesse et drôle qui fait référence à notre société mal en point où gourous et psychologues de troisième zone appuyés par les crédules dictent leur loi de positivité politiquement correcte. Vicévertus est le héros de cette nouvelle aventure qui pourrait bien remettre en cause le mode de vie de nos héros, la quiétude du village et faire exploser les couples sans oublier que le poisson serait frais du jour. On rêve.
C’est la débandade dans les Légions romaines qui font de la résistance psychologique. Prendre des baffes ce n’est pas une vie. César est agacé d’autant que Pompée est en embuscade dixit Brutus. Plutôt que la discipline à triple dose pourquoi ne pas faire dans le mental proposition du médecin-chef des armées, Vicévertus qui a mis au point la méthode de l’Iris Blanc ? Positiver c’est le secret et avoir une alimentation saine plus de la bienveillance à revendre. Après tout pourquoi pas ? Il en a vu d’autres Jules et il ordonne à Vicévertus de tenter l’expérience chez les Gaulois têtus près du camp de Babaorum. Il a intérêt à réussir sinon ce sera sa fête au cirque. Direction l’Armorique, première visite chez les « fous », rencontre avec Astérix et Obélix à la rudesse archaïque qui cache un cœur tendre. Quant à Ordralfabétix il lui est vivement conseillé d’aller à la pêche. Cétautomatix lui a des enclumes qui facilite la circulation d’énergie. Manque plus que la reine des lieux à attraper dans sa toile. Bonemine irradie et qu’importe d’être devant si son âme reste derrière. C’est parti mon kiki. Il y a de la rumba dans l’air marin du village. Vicévertus va-t-il réussir à stabiliser les humeurs et interdire la consommation de sangliers en gros ?
Fabcaro a construit avec Vicévertus un héros charismatique, beau parleur (allez un brin politique à la Bernard Henri Lévy) et charmeur. Il va jouer sur les frustrations, les envies, les regrets des unes et des autres. Un malin très actuel doué comme Anglaigus dans Le Domaine des Dieux, Tullius Detritus, qui sème la zizanie sur ordre de César déjà, chez les Gaulois ou Prolix, un devin sans scrupule qui va profiter de la crédulité des habitants du village, manipulations assez proches finalement de celle de Vicévertus.
Pour être franc depuis la reprise d’Astérix c’est le premier album qui fait vraiment mouche au moins aux yeux d’un enfant lecteur du petit Gaulois découvert dans Pilote, admirateur sans bornes d’Uderzo (un des plus grands dessinateurs de la BD souvent rencontré) et de Goscinny scénariste d’exception. L’Iris Blanc est une sorte de parenthèse subtile que Fabcaro a maîtrisé, fait pousser avec un grand talent. On sait qu’à priori il ne signerait que cet Iris Blanc, et c’est bien dommage car il aura montré ses capacités et surtout sans vagues revitaliser le sujet.
Astérix, Tome 40, L’Iris Blanc, Éditions Albert René, 10,50 €
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