Dire qu’on a toujours eu pour Lee Miller les yeux de Rodrigue pour Chimène est un aveu. Lee Miller est une icône qui a marqué le siècle, le dernier par certes sa beauté atypique, mannequin de mode mais surtout par ses talents de photographes sur tous les fronts dont les vrais, ceux de la seconde guerre mondiale. Il y aura ses amours avec Man Ray dont elle sera la muse et qui la formera, ses liens avec Picasso et bien d’autres grands noms de Montparnasse. Mais avant tout, Lee Miller était une femme libre, une passionnée de photo. Les Cinq Vies de Lee Miller viennent s’ajouter aux très nombreux ouvrages qui lui ont été consacrés dont ceux écrits par son fils Antony Penrose, à ses recueils de tirages, à ses publications dans Vogue ou encore à des superbes expositions comme L’Art de Lee Miller en 2008 à Paris. Faire le portrait de Lee Miller en BD était un défi qu’a relevé Eleonora Antonioni dans une composition graphique en noir et blanc soulignée par la blondeur de Lee. Dire qu’on est tout à fait convaincu par cette mise en image serait excessif. Reste cependant un œuvre chaleureuse, souvent bouleversante, émouvante qui rend corps et âme à une très grande dame devenue un mythe à plus d’un titre.
En 1928 Elizabeth Miller est déjà la vedette des publications de Condé Nast. Elle est devenue Lee Miller, modèle vedette que son père Théodore Miller, fou de photo et de sa fille a mitraillé sous tous les angles souvent nue. Enfant Lee est rebelle, indépendante, garçon manqué aux basques de ses frères. Elle sera marquée à jamais par un traumatisme sexuel subit très jeune sur lequel l’autrice ne s’étend pas ni sur le qui ou le comment. Encore que ce soit connu. Miss Miller devient une peste et une jeune femme qui va partir en France. Ce sera le choc de sa vie. Elle veut rester à Paris mais doit rentrer. Et c’est à New York qu’elle rencontre par hasard Condé Nast, magnat de la presse qui flashe sur elle. Vanity Fair, The New Yorker, Vogue, sa carrière est partie. Mais Paris, la photo sont toujours dans sa jolie tête. Elle revient, devient l’élève de Man Ray, dépassera parfois son maître qui signe des photos qu’elle a prises. Commence alors la vraie vie de Lee Miller.
Peux-t-on qualifier Lee Miller d’aventurière intrépide ? Oui et non. Elle fera surtout ce que ses envies lui dictent. Elle voyagera avec son mari Aziz Bey en Égypte folle des sables du désert. Elle sera en Angleterre sous les bombes allemandes, en Normandie en 1944 correspondante de guerre pour Vogue, entrera à Dachau tout juste libérée, posera très naturellement dans la baignoire d’Hitler, la photo fera le tour du monde. Lee Miller aura aussi ses hommes dont bien sûr Man Ray et le plus cher à ses yeux, son mari Roland Penrose qui restera à ses côtés jusqu’à sa mort en 1977. Lee Miller était un personnage unique, parfois fragile, souvent même, mais intraitable pour elle-même. Elle disait à la fin de sa vie qu’elle espérait avoir montré à ceux qu’elle aimait combien elle les aimait. Ses photos sont là pour le prouver. Une dernière anecdote, André Juillard a eu un projet sur Lee Miller mais y a renoncé. On l’a beaucoup regretté.
Les Cinq Vies de Lee Miller, Steinkis, 20 €
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