Un conseiller à Matignon voit sa vie transformée et bouleversée pour avoir voulu et cru pouvoir jouer avec le pouvoir, celui des « grands » politiques, auprès d’un Premier Ministre dont il faut le dire avec le recul on ne retiendra pas grand chose. Matthieu Angotti est l’une de ses fourmis des cabinets, des têtes bien faites et taillables, corvéables à merci. L’ambition peut faire gravir des montagnes. Désintégration est le journal de route de Matthieu Angotti qui dès son entrée au cabinet de Jean-Marc Ayrault en 2012 a pris des notes à la demande de Robin Recht en particulier sur le dossier qu’il suit, le plan national contre la pauvreté et ensuite, piégeant, la réforme de l’intégration. Grandeurs et désillusions qui tombent à pic alors que s’agitent les grands gourous, candidats trublions et zébulons, Gnafron et Guignol, à la prochaine élection présidentielle. Sous le crayon clair et direct de Robin Recht.
Il aime être au cœur de l’action, lui qui travaillait pour une association est passé direct à Matignon. Démineur de crises, Matthieu est sur le plan anti-pauvreté et il faut convaincre les autres fourmis des ministères impliqués, un monde de jeu plus ou moins clair. Il est passé de l’autre côté du miroir et est au pied du mur. Ayrault lui parle ensuite d’intégration après avoir validé le plan pauvreté. Et là c’est droit dans le mur. Sur le cabinet du Premier Ministre sur 43 membres seuls sept ne sont pas fonctionnaires. ENA, Polytechnique, Normale, les voies royales et incontournables aujourd’hui ou demain. Pas un Noir et quelques enfants de Maghrébins. Sa vie personnelle va en prendre un coup. La République est une maîtresse exigeante. Et à Matignon les couteaux sont tirés. Le mariage pour tous est aussi à la Une. En mai 2013 il revient en Italie d’où est partie sa famille vers la France. Au retour on recadre le plan et Valls s’en mêle, arrête les frais.
À suivre dans l’album mais on sait le résultat. Flux et reflux, on laisse passer le train et le sujet est brûlant aujourd’hui. Intégration, il est seul Matthieu et pas du sérail. Il y croit mais ce n’est pas son sujet. On revoit Léonarda, un piège superbe et si mal géré. Des idées saines mais pas simples à mettre en route, lutter contre les à-priori. Le voile à l’école ? Terrain miné et pas courageux, le conseiller paye la note. Élysée et Matignon, pas le même combat. Les comptes se règlent. C’est tout cela que Matthieu Angotti raconte et que Robin Recht (ils se connaissent depuis longtemps) décrit dans sa mise en scène précise, claire, intelligente et que l’on suit comme un feuilleton lisible par tous dont les héros sont finalement assez médiocres. Chercheurs frustrés, politiques versatiles, faux amis qui trahissent, chapelles influentes prêtes à tout pour survivre, il y a tout dans ce témoignage qui est une vraie synthèse de ce qu’est le pouvoir. A noter qu’on est assez loin de Quai d’Orsay. Il faut remercier Matthieu Angotti d’avoir avec sincérité, honnêteté, raconté deux années d’un combat auquel il croyait très fort.
Désintégration, Journal d’un conseiller à Matignon, Delcourt, 17,95 €
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