Garder le silence alors qu’on a été victime d’un viol, et qu’en plus le violeur est un élève de votre lycée, c’est l’histoire de Melinda, une jeune américaine. Emily Carroll a adapté le roman de Laurie Halse Anderson, largement autobiographique. Elle en a fait un roman graphique très fouillé, psychologiquement fort car mettant en relief les différentes étapes de prise de conscience de Melinda jusqu’au moment où, contrainte et forcée dans le sens le plus strict du terme, elle devra avouer, parler et, enfin être comprise, reconnue victime. Mais avant ce dénouement, on suit Melinda, 15 ans, au bord d’un gouffre dans lequel elle pourrait bien tomber. Très prenant et émouvant car d’une rare crédibilité.
Melinda Sordino rentre pour une nouvelle année au collège, le Merryweather High School. Elle est immédiatement la cible des autres élèves. Mais pourquoi ? Que s’est-il passé ? Rachel son ex-meilleure amie la boude. Personne ne lui adresse la parole. Seule Heather, une nouvelle lui parle. Ses profs ont tous à ses yeux un défaut. Classique. Seul le cours d’arts plastiques, avec Monsieur Freeman, trouve grâce à ses yeux. Melinda tire le mot arbre comme thème de son année de dessin. Ce qui ne l’enchante pas. Tout au long des semaines qui passent, Melinda est le souffre-douleur de ses anciens amis. Avec ses parents, ce n’est pas non plus la joie. Son niveau scolaire est en chute libre alors qu’elle était brillante. Melinda se mord les lèvres comme pour empêcher les mots de sortir de ses lèvres. Mais personne ne veut savoir ce qu’à Melinda. Au collège, elle a trouvé une pièce abandonnée où elle s’installe un repaire. En fait, tous lui reproche d’avoir appelé la police pendant une fête, celle de Kyle, et plusieurs élèves ont été ensuite renvoyés. Melinda est incapable de leur dire ce qui s’est vraiment passé et pourquoi elle a appelé la police.
On est accroché au personnage de Melinda. Le pire est peut-être l’incompréhension familiale incapable d’envisager le pire. Ce qui n’est pas simple. Melinda est d’autant plus crédible que l’auteur du roman a vécu ce qu’elle raconte. On comprend toute la difficulté, la façon d’occulter pour ne se libérer que quand un second traumatisme vient s’ajouter au premier. Ensuite Melinda pourra parler. La victime d’un viol est souvent murée dans le silence. Elle culpabilise. Dans Speak, la fin est un électrochoc, vécu ou pas par l’auteur, peu importe. Il faut un déclenchant. Emily Carroll est brillante dans cette mise en scène du roman de Anderson, que ce soit par le découpage, le dessin ou la puissance des sentiments ressentis par Melinda et transmis au lecteur. Un titre à défendre absolument, indispensable.
Speak, Rue de Sèvres, 20 €
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