Un enfant soldat au Congo (à l’époque de Kivu par Van Hamme), un gamin qui va devenir un tueur sans états d’âme, des copains qui vont être confrontés au pire des destins et dont la seule issue sera de fuir, tenter de rejoindre l’Europe. Le Ciel dans la tête est d’une violence sans égale mais malheureusement authentique, vraie et désespérante. L’Afrique est un terrain de jeu et de mort depuis des siècles pour les grandes puissances, une source inépuisable de richesse pillées et aussi une incapacité à se gérer malmenée par ses propres classes dirigeantes au nom du profit, de conflits ethniques, de pouvoir. C’est tout ça que montre cet album massue signé par Antonio Altarriba (L’Aile brisée) et Sergio Garcia Sanchez (Blancaflor) dont le trait est à la fois réaliste, fantastique, terrifiant si besoin, beau malgré tout. Un album qui été mis en avant lors du dernier échange des journalistes de l’ACBD qui présentait les meilleurs titres du mois.
Il travaille dans une mine, sauve son copain Nivek tombé dans une faille. Joseph désobéit au garde qui veut le tuer. Nivek lui plante sa pioche dans le dos. Au lieu de l’abattre le chef pense qu’il pourrait faire un bon enfant soldat, un kadogo. Il accepte si son copain Joseph devient cuisinier. On amène Nivek à une sorcière Kabusa qui le drogue. On l’accompagne chez lui et on l’oblige à tuer tous les siens et dévorer de la chair humaine. Son entraînement se poursuit, tir, grenade, machette. Il tue, massacre ceux qui travaille pour les Maï-Maï. L’horreur pure. Drogue encore, danse, transe, attaque d’une garnison à la grenade, Nivek se distingue. Premier viol et il retrouve son copain Joseph, voit les riches propriétaires ou acheteurs de minerai, le coltan indispensable aux appareils électroniques. Plus l’uranium ou le cobalt. Les deux copains décident de partir rejoindre Panzi, fondé par le docteur Mukwege grande figure congolaise, un hôpital près de Bukavu capitale du Sud Kivu, grande province à l’est de la RDC, l’ancien Congo belge. Ils aimeraient devenir menuisiers quand arrivent les Maï-Maï qui font un raid sur leur campement. Ils fuient et arrivent à Panzi.
Comment un jeune garçon qui a passé des mois à tuer de sang froid va-t-il pouvoir se reconstruire ? Quel psychiatre va pouvoir sonder son âme ? Il va devoir aller encore plus loin, s’éloigner à jamais de ces lieux de mort dont il a été l’un des bourreaux. La jungle, Joseph, Nivek commence une sorte de rédemption, va connaitre l’amour, l’amitié d’autres tribus. Rien ne sera simple ni facile. La savane, les coutumes, le désert et la Libye, les combats à mort où on parie. Tout s’articule dans cette tragédie où s’accumulent les illusions perdues, la cupidité. Un album à lire pour avoir un choc salutaire, prendre conscience au final que nous vivons dans un monde qui ne demande qu’à exploser. Si ce n’est déjà fait sans qu’on en ait conscience.
Le Ciel dans la tête, Éditions Denoël Graphic, 28 €
Articles similaires