En cette fin d’année et à quelques jours de la nouvelle, les grandes manœuvres pour l’édition 2018 du festival d’Angoulême ont largement commencé. On reviendra tout au long du début du mois de janvier sur les différentes sélections, sur les possibles Grand Prix. Mais autant débuter par une exposition qui va faire date, celle consacrée à « Alix – L’Art de Jacques Martin » qui ouvrira ses portes au Musée de la bande dessinée d’Angoulême le 25 janvier et durera jusqu’au 13 mai 2018. Première exposition rétrospective de cette envergure, elle constitue l’acte inaugural du 70e anniversaire d’Alix, évènement majeur des éditions Casterman tout au long de l’année prochaine. Et pour l’occasion le rappel très personnel d’un bref souvenir d’enfance, la peur terrible provoquée par la lecture de la Griffe Noire au signataire de cette rubrique et dont il a pu s’ouvrir à Jacques Martin bien plus tard qui n’en a pas été étonné. Il avait en effet voulu marquer le lecteur par ce personnage terrifiant armé de sa griffe d’acier. Sans oublier aussi que Jacques Martin (il l’affirmait) avait eu un père dans l’aviation en 14-18, raison pour laquelle il est né à Strasbourg au début des années 20 car son père y était stationné dans l’escadrille des Cigognes. Martin avait signé plusieurs albums sur l’histoire de l’aviation.
Que ce soit avec Alix, avec Lefranc, avec Jhen, avec Arno et Juillard, avec tous les héros qu’il a fait vivre, Orion, Kéos, Jacques Martin avait su imposer l’indépendance de son talent. Mais c’est Alix qui demeure son grand-œuvre. Personnage pas toujours facile mais grand professionnel, incontournable, Jacques Martin et Alix méritent très largement les honneurs qu’ils vont recevoir en 2018. Voir des originaux de Martin procure un plaisir ineffable. L’exposition d’Angoulême sera un rendez-vous à ne pas manquer car sûrement complet et grandiose. J-L. TRUC
Cette grande exposition reviendra sur 40 ans de création de Jacques Martin, de ses premiers travaux publicitaires à l’affirmation d’un style graphique et narratif extrêmement personnel qui a trouvé, dans les aventures d’Alix et de son cousin contemporain Lefranc, son principal vecteur d’expression. De tous les personnages qui occupe le Panthéon de la bande dessinée mondiale, Alix est assurément une figure à part. Avec ses 12 millions d’albums vendus, sa traduction en 15 langues, il fête en 2018 ses 70 ans d’existence, depuis sa première apparition dans le journal Tintin, le 16 septembre 1948.
Comme le souligne à juste titre le communiqué de Casterman, jusqu’en 1988, date de parution du Cheval de Troie, le dernier album dessiné de la main de Jacques Martin, ce jeune Gallo-romain a traversé nombre de périls, s’est confronté aux civilisations les plus diverses, tout en conservant un idéal de droiture et de justice cher à son créateur. Pourtant, Alix n’a rien du boy-scout qu’on peut croiser dans la bande dessinée des années 1950. Son idéalisme contrarié, son impuissance de plus en plus appuyée, sa maturité grandissante au fil des albums, quand bien même il évolue dans une temporalité assez arrêtée, en font un héros d’une troublante modernité. Oscillant entre César et Pompée, pendant ces années où les deux grands généraux sont en conflit larvé avant l’explosion de la guerre civile, Alix est aussi l’héritier des héros de Gustave Flaubert, qui font l’apprentissage douloureux de l’entrée dans l’âge adulte.
Un univers riche et varié
Ode à l’aventure, à la découverte de l’autre et à la tolérance, Alix n’édulcore pas pour autant la grande violence du monde antique, qui fait écho à celle du monde contemporain de Jacques Martin. La peur de la bombe atomique, les guerres de décolonisation, l’affrontement entre les blocs communistes et occidentaux, les multiples révoltes de la jeunesse, le terrorisme international ont accompagné l’âge d’or de la série. Autant de soubresauts qui se retrouvent, indirectement ou non, dans les histoires d’Alix, au même titre que l’évolution des mœurs, sur laquelle l’artiste s’est appuyé pour construire des personnages féminins audacieux, en décalage flagrant avec le cadre plutôt chaste du journal Tintin. Jacques Martin est également, et surtout, un très grand dessinateur, un maître de la perspective, qui a su dépasser l’ombre tutélaire des deux géants qui ont accompagné ses débuts, Hergé et E. P. Jacobs. Initiateur d’un univers à la richesse inouïe, il a apporté à la bande dessinée une écriture de l’Histoire singulière, entre scrupule scientifique et invention heureuse, où les anachronismes se trouvent justifiés par les impératifs du récit.
L’annonce de son décès en 2010
Voici ce qui avait été publié à son décès dans Midi Libre. Jacques Martin était venu en dédicace à Montpellier quelques années auparavant.
Il avait travaillé avec Hergé. Il était le créateur d’Alix et du journaliste Lefranc. Jacques Martin est décédé hier en Suisse à l’âge de 88 ans. Né à Strasbourg en 1921 d’un père pilote de chasse, ce qui lui vaudra sa passion pour l’aviation, il avait fait ses études en Belgique. Entré au journal Tintin dès 1948, Jacques Martin avait travaillé pendant près de vingt ans avec Hergé et Edgar P. Jacobs, auteur de Blake et Mortimer. Maître de ce que l’on appelle aujourd’hui la ligne claire. Martin a collaboré à de nombreux albums de Tintin avant de créer le personnage d’Alix en 1948 qui paraît d’abord en feuilleton. Le succès sera rapidement au rendez-vous et Martin peut être considéré comme le créateur de la BD historique. Pour Alix, Martin avait choisi la Rome antique au temps de Jules César. Ce dernier deviendra même le protecteur du jeune Romain et de son compagnon Enak. Au bout de trois albums d’Alix, Martin préférera revenir à une BD contemporaine et donnera vie aux aventures du journaliste Lefranc, une transposition finalement actuelle de son héros Alix. Les albums d’Alix et de Lefranc réalisés désormais en alternance vont s’accumuler.
Le dessin de Martin est brillant, fouillé, plein de vie et historiquement toujours bien cadré. Martin se passionnera ensuite pour la guerre de Cent Ans avec Jhen, l’épopée napoléonienne avec Arno dessiné au départ par André Juillard. Il créera d’autres personnages comme Orion ou Kéos dessinés par Pleyers mais qui n’auront pas la même notoriété qu’Alix. Au total Jacques Martin a vendu plus de quinze millions d’albums dont sept millions d’Alix traduits en dix langues. Martin avait peu à peu passé la main à de jeunes dessinateurs conservant l’écriture des scénarios et la supervision de son œuvre. Il avait aussi lancé la série des Voyages dans laquelle Alix était le guide du lecteur à Rome ou à Athènes. De passage à Montpellier il y a quelques années il revendiquait « d’avoir toujours eu en particulier pour les aventures de Lefranc les yeux d’un reporter en bande dessinée » et affirmait « que la BD a un besoin vital de vedettes ». Avec sa disparition peu de temps après celle de Tibet et à une semaine de l’ouverture du festival d’Angoulême 2010, la BD a perdu deux de ses plus grands noms. ( J-L.T ®)
Article intéressant certes et merci de rendre un nouvel hommage à Jacques Martin, mais bon dieu corrigez donc ces trop nombreuses fautes d’orthographe ! Rendez cet hommage à Jacques Martin qui était d’une rigueur parfaite. Pour avoir eu l’honneur de côtoyer et de travailler pour ce grand homme, il aurait sévèrement tiré les oreilles de l’auteur de l’article !