Un père qui disparait, une première aventure amoureuse, un été d’adolescence en 1967 qui restera à jamais gravé dans la mémoire d’Antoine, Smolderen et Alexandre Clérisse ont raconté une aventure diablement envoûtante et étonnante. Avec L’Été Diabolik (Dargaud), nominé pour le prix des libraires, Clérisse a reconstitué de son trait cartoon enlevé l’ambiance et les codes de l’époque pour ce polar qui se transforme en film d’espionnage bien calibré. Rencontre au Livre de Paris avec Alexandre Clérisse. Jean-Laurent TRUC
Années soixante, des gens normaux, un père, son fils, une jeune américaine pas si naïve que ça et tout dérape pendant une rencontre fortuite lors d’un match de tennis ?
Après Souvenirs de l’empire de l’atome, Thierry Smolderen avait déjà l’idée de cet Été Diabolik. Elle est basée sur cette image qu’il a eu d’un personnage masqué dans un rétroviseur. Et bien sûr c’est une référence au film Diabolik tiré de la BD en 1968. Morricone avait signé la musique. Il y a aussi les souvenirs personnels et familiaux de Smolderen dont le père qui travaillait dans une soufflerie aéronautique avait reçu la visite d’un Russe et appris plus tard que c’était un espion.
Comment avez-vous découvert l’histoire machiavélique de Smolderen ?
J’ai eu le scénario d’un coup et lu d’une traite. Smolderen écrit son texte case par case. Je ne suis pas du tout intervenu hormis sur la mise en scène.
On sent que vos sources d’inspiration sont très variées.
La série Mad Men m’a inspiré en particulier pour le héros, le père d’Antoine. Smolderen m’avait donné pas mal de livres pour la documentation. Page 73, c’est le graphisme du titre du dessin animé des Beatles, Yellow Submarine. Le cinéma a été aussi une source formidable en particulier les films d’espionnage des années soixante. Cela m’a mis sur la piste de scènes possibles, de cadrages. Idem pour le jeu de société policier Le Cluedo. Il y a plein de clins d’œil dans cet album.
On entend même le tube de Procol Harum A whiter shade of pale ?
Oui qui était le tube de cet été 1967. J’avais déjà entamé ce travail avec le premier album. Il faut adapter chaque séquence, lui donner des codes. Cela doit être une découverte pour les générations actuelles qui n’ont pas connu cette époque. Donc rester dans ce qui se fait actuellement en BD un peu dans le style de Vivès, tout en suivant l’actualité graphique du moment.
Smolderen a écrit un scénario à plusieurs entrées où il balade effectivement le lecteur ?
En fait le père est un espion, un « dormant » qui a une famille en France dont Antoine, et au moment où il va rentrer en URSS, chez lui, un témoin de sa vie passée surgit. Ensuite tout se tient mais Smolderen brouille les pistes, détourne l’attention du lecteur. A la fin on a presque tendance à s’attacher au personnage du père sauf que Smolderen fait tout basculer. C’est Antoine le fils qui raconte l’histoire en deux parties, celle de sa jeunesse, un compte-rendu puis un roman quand il est adulte pour enfin savoir la vérité. Et ce qu’il découvre est pour le moins stupéfiant.
Dessin traditionnel ou ordinateur ?
Je travaille totalement sur ordinateur, sur tablette graphique. Je montre les planches à Smolderen ce qui me permet ensuite de retravailler plus facilement dessus. L’ordinateur est plus simple pour bâtir des histoires aussi complexes graphiquement. J’ai compulsé des magazines de mode de l’époque. Le mobilier, la décoration, l’architecture, c’est un hommage à la culture graphique des années soixante.
Et après 1967 ?
Le prochain album avec Smolderen sera consacré aux années 80, dans le même style, même registre. C’est un autre morceau de la culture populaire, celle des jeux vidéo et des jeux de rôle. Il comprendra beaucoup de codes couleur. Je suis aussi sur des illustrations pour un livre sur le cinéma chez Milan dans la collection Cherche et trouve.
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