Un pavé qui, pour la première fois en BD, raconte la génèse de la conception, la création, l’utilisation de la bombe atomique contre le Japon en 1945. La Bombe fait parler l’uranium en voix off. Sans lui pas de bombe, ni les 450 pages de cette somme qui donne les noms, montre les états d’âme, l’horreur, la détermination malgré l’ignorance des effets, des conséquences de l’arme atomique. Politiques, militaires, scientifiques vont jouer avec le feu atomique et créer un monde où rien, après Hiroshima et Nagasaki, ne sera jamais plus pareil. Dissuasion, prévention, expériences médicales, l’homme a joué à l’apprenti-sorcier et gagné le titre de maître en destruction massive. Alcante et Laurent-Frédéric Bollée ont écrit cette saga du siècle avec un luxe de détails, d’explications que Denis Rodier (Arale) a mis en images de façon à la fois réaliste mais aussi très humaine d’un trait affirmé.
Quand on parle de bombe, d’atome, c’est le nom d’Einstein, des Curie, d’Oppenheimer qui souvent sortent en premier. En 1933, le pionnier sera en réalité Leo Slilàrd à Berlin qui sera le vrai inventeur de la fission de l’atome. Il a aussi compris que son pays devenait dangereux pour le Juif qu’il était et il en part. Il y aura aussi Fermi, prix Nobel pour ses travaux sur les réactions nucléaires. Mais dès le départ il n’y a pas que les USA dans la course. L’Allemagne nazie, l’URSS, le Japon vont aussi comprendre que l’atome peut devenir une arme sans égale. Alors ils vont se jeter sur cet uranium sans lequel rien ne sera possible. Einstein comprend lui-aussi que le danger est là. Seuls les États-Unis ont les moyens de mettre en œuvre la conception, la fabrication d’une bombe à l’uranium. On va chasser le minerai dans le monde entier, faire main basse sur les réserves, détruire l’usine d’eau lourde des Allemands, créer une cité de la bombe au Nouveau Mexique, le projet Manhattan est parti. La seconde guerre mondiale sera son théâtre, et son issue son apothéose.
L’armée sera aux commandes du projet supervisé par un colonel, Groves, têtu, obstiné et froid qui n’a qu’un but, que son pays ait le premier la bombe. Roosevelt lancera le projet que Truman, tout autant tordu que Groves, va récupérer en marche pour en faire la solution qui évitera un débarquement US meurtrier sur le sol japonais. Et si possible contrer Moscou qui pourtant fera main basse sur une bonne partie de l’Europe tout en sachant que les USA avaient la bombe. Aurait-on utilisé la bombe contre l’Allemagne ? Tout va aller très vite et c’est ce dont on peut le plus, non pas s’étonner vu les moyens mis en œuvre mais constater car les hypothèses de départ étaient fiables. Alors, il y aura des revirements avec Leo Slilàrd qui a compris que la bombe aura des effets terrifiants. Des civils vont être des cobayes innocents pour connaitre les effets du plutonium. Une goutte d’eau dans un projet dont le but était déjà décidé.
Une précision sans faille préside dans les informations mises en images dans La Bombe. Pourquoi avoir choisi Hiroshima, les réactions horrifiées ou pas des hommes qui ont conçu et employé une arme d’apocalypse, un Eisenhower qui réprouve, Tibbets le pilote lui qui assume, le diable était lâché. Impossible de revenir en arrière. L’équilibre de la terreur, encore aujourd’hui, repose sur la bombe même si, désormais entre les mains de nations moins « sages », tout soit possible. Un ouvrage qui est unique et qui le restera, bien fait, didactique, clair avec des découvertes nombreuses comme cet espion russe infiltré dans le projet, les savants allongés dans le désert au moment du test, la tragédie de l’USS Indianapolis. Ce qui rappelle la naïveté ou la bêtise française pendant les essais de la bombe au Sahara dans les années soixante. Reste que La Bombe est aussi une page d’Histoire avec en mémoire les 300 000 morts civils d’Hiroshima et de Nagasaki. Une troisième bombe était prête au cas où. Effrayant mais passionnant avec une part romanesque qui alimente le débat. Un travail de recherche et de vulgarisation bienvenu 75 ans après.
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