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Mon Traître, un salaud a pu être un type formidable

On l’a déjà vu avec Brigade Verhoeven mais autant le redire. Les Éditions Rue de Sèvres commencent l’année avec du lourd et auront donc à Angoulême un beau panachée de titres hauts de gamme. Pierre Alary (Silas Corey) s’est largement inspiré du roman en grande partie autobiographique de Sorj Chalandon (journaliste à Libération puis au Canard Enchainé) pour Mon Traître. Une réussite aussi bien graphique qu’éditoriale. L’IRA, l’Irlande du Nord, les grèves de la faim mortelles, Belfast, l’oppression anglaise, on se replonge dans une actualité qui a tenu la Une pendant des années, près de trente ans, jusqu’à pratiquement la fin du XXe siècle. Alary y revient avec Mon Traître, destin amical ambigu, tordu même, d’un luthier français devenu activiste occasionnel et d’un membre charismatique de l’IRA qui n’est pas tout à fait ce que l’on croit qu’il est. Sortie le 10 janvier.

Tyrone Meehan et Antoine se rencontrent en 1977 à Belfast. Depuis trois ans Antoine a pris fait et cause pour la lutte de l’Armée républicaine irlandaise. Désormais l’Irlande et son combat sont une obsession pour Antoine qui devient copain avec Jim un Irlandais qui va l’introduire dans les milieux combattants. La guerre est partout. Tyrone et le jeune français se retrouvent. Manifestations pour les prisonniers politiques aux droits non reconnus par Londres, les victimes, les combattants de l’IRA masqués, les deux hommes se lient d’amitié même si Antoine ne pourra jamais être irlandais comme le lui dit Tyrone qui ne veut pas qu’on se serve de ce jeune garçon un brin naïf. En 1979 les grèves commencent en prison et à Paris Antoine acceptent de cacher des Irlandais en mission. Figure de l’IRA Tyrone l’oblige à ne plus le faire.

C’est une histoire personnelle qu’a romancée Chalandon. Le luthier, c’est lui en fait journaliste qui s’est lié avec Denis Donaldson, le vrai nom du traître. Une histoire de trahison mais quelle trahison ? Tyrone raconte comment il a été recruté par les Anglais alors qu’il est une figure de la résistance. Qu’a-t-il vraiment fait ? Chaque chapitre est coupé par une page de son interrogatoire par l’IRA qui a désormais déposé les armes. Tyrone a été livré par les services de renseignements britanniques. Tyrone, un traître de choix, pour mieux encore mépriser la lutte de l’IRA trahie au plus haut niveau par l’un des siens. Pierre Alary a donné tout son talent et son émotion à Mon Traître. Un vrai coup de cœur. Le face à face final est d’une rare force. « Le salaud, c’est parfois un gars formidable qui renonce ». La phrase de Chalandon dite par Tyrone est si juste et la plus authentique qu’il soit. Elle a pu et pourra encore s’appliquer à de nombreux cas similaires. Alary signe peut-être son meilleur titre.

Mon Traître, Rue de Sèvres, 20 €

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