Une affaire complètement oubliée et qui pourtant à l’époque avait défrayé la chronique comme plus tard en Angleterre l’affaire Profumo et Keeler. En 1955 la tension est forte en France avec la guerre d’Algérie, la nationalisation du canal de Suez par Nasser, un conflit mondial évité. En Suisse on va tirer des ficelles, s’affronter dans la course aux renseignements, la lutte entre services concurrents et un homme, le procureur général René Dubois, va porter le chapeau pris au piège de jeux qui le dépassent. Eric Burnand a écrit l’histoire de ce coup tordu épique et Matthieu Berthod l’a dessiné. Du cousu main. Un thriller à la le Carré et des personnages qui parfois dépassent la fiction par leur machiavélisme incroyable et protégés par leurs états. Pour mieux découvrir cet album, on pourra rencontrer les auteurs mercredi 24 mai 2023 dès 18h30 à l’espace Comptoir de la Maison des Sciences de l’Homme 54 boulevard Raspail à Paris. La rencontre sera modérée par Frédéric Potet du Monde des livres.
Il est arrivé au bout du rouleau René Dubois, chef du ministère public suisse et à ce titre cumule les fonctions de procureur général et de chef du renseignement. Incroyable mais vraie, spécificité helvétique et c’est ce qui va le faire tomber. Type honnête il a eu du mal à en arriver là. En 1955 il a résolu une affaire de corruptions mais ne s’est pas fait que des amis. Nommé il sait que la police fédérale qu’il dirige et le service de renseignements des armées sont des ennemis mortels. Les pressions politiques aident Dubois. Les Suisses sont impliqués dans la guerre d’Algérie car ils accueillent des nationalistes du FLN. Dick patron de la police prévient Dubois qu’il collabore avec la France et avec un certain Mercier, attaché d’ambassade. Si Dubois l’aide contre le FLN il lui donnera des tuyaux sur l’espionnage en Suisse, communistes de l’Est. Mercier a obtenu de la police suisse des info sur des membres du FLN à Alger. Dubois interdit les contacts avec des services étrangers et rencontre Elisabeth de Miribel figure du gaullisme et de la France Libre. En 1956, peu à peu Dubois tombe dans les filets de Mercier pendant un luxueux voyage à Paris. Et il parle trop.
Curieux comme Dubois a pu être naïf et surtout n’avait pas le profil du poste. Et Mercier très doué. Les attentats commencent à Alger et la Suisse est la base arrière du FLN. La France va détourner sur Alger l’avion des chefs du FLN et les arrêter. Un gros coup du SDEC. Il y a eu l’échec franco-britannique de Suez qui avait aussi pour but d’aller récupérer au Caire d’autres leaders du FLN. Fuite dans les services, Burnand décortique l’affaire Dubois qui en prime se met à dos le service militaire suisse de renseignements. Agent double, flix suisse véreux, trahison, écoutes illicites d’une ambassade, Dubois a paniqué et on le sait s’est suicidé. Excellent dossier en fin d’album. Un ouvrage passionnant qui en dit long sur une époque oubliée.
Berne, nid d’espions, L’affaire Dubois, 1955-1957, Antipodes, 26 €
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