Une reprise n’est jamais simple. Surtout quand c’est celle d’un personnage mythique de la BD, un phénomène comme Achille Talon, fils de Greg et de Pilote réunis. Cinquante après sa naissance, Fabcaro, l’héraultais, et Serge Carrère, le Toulousain (Léo Loden), ont relevé le défi. Avec talent et brio. Sans trahison mais bien au contraire en apportant à Talon leur propre vision, leurs contours du personnage, lui redonnant du souffle, du nerf, une nouvelle jeunesse. Serge Carrère était à Sète pour BD à la plage. Ligne Claire a rencontré ce dessinateur au trait vif et chaleureux. Propos recueillis par J-L. TRUC.
Un brin d’histoire pour expliquer le retour d’Achille ?
C’est Dargaud, l’éditeur des aventures d’Achille Talon, qui voulait le relancer. Ils s’étaient aperçus que Talon, dans un test de popularité, de notoriété, était parmi les premiers. Mais il fallait bien sûr le moderniser après déjà plusieurs reprises qui collaient surtout au style de Greg.
Vous avez eu un cahier des charges ?
Non. L’idée était que cette reprise de Talon colle avec mon propre rythme de travail, avec mon dessin. Je n’ai pas eu de contraintes sauf, évidemment, de conserver les personnages bien connus ou Virgule, Hécatombe. Je n’ai que supprimé le plastron que portait le père (je dis bien le père, ajoute Serge Carrère en riant) d’Achille. Idem pour la voiture. On a pris un modèle du début des années soixante.
Fabacaro avait écrit les scénarios. J’ai fait deux pages gags d’essai. En fait le début de l’aventure a commencé avec Dargaud à Angoulême 2013.
Vous alternez dans l’album, Les Impétueuses tribulations d’Achille Talon, planche, histoires courtes, double strips.
Oui car Dargaud voulait dès le départ adapter cet album à une publication sur tablette qui comporte des planches bonus. On y retrouve aussi le personnage fameux du rédacteur-en-chef à qui Greg avait donné les traits de Goscinny. Ces gags supplémentaires ont toujours pour thème l’adaptation de Talon au numérique.
Le dessin de cette reprise a été compliqué ?
Non, pas vraiment. On est totalement dans l’école franco-belge dont je fais partie. J’ai vraiment été libre. La difficulté était surtout au niveau des dialogues. Fabcaro a fait un excellent travail. Il s’est bien débrouillée et c’est vraiment une part très importante de la reprise. Les textes dans Talon sont ciselés. Côté dessin, Greg synthétisait beaucoup. Je le fais moins que lui, en particulier sur les détails. Je suis plus expansif.
Talon reste égal à lui-même mais c’est vrai que cette confrontation avec les techniques actuelles le laisse désemparé. Quand il apprend qu’on est au XXIe siècle il fait un malaise. Il écrit un SMS de 300 mots. PC ou Mac, il fait devenir fou un vendeur.
Il ressort même du magasin avec un coquard à l’œil, je l’ai souhaité, et un Lefuneste goguenard. C’est dans la lignée Talon. J’avoue que j’aime bien Lefuneste. Sincèrement je me suis bien amusé, un bon délire. Je travaille en atelier et les autres auteurs m’entendaient rire ou rigolaient quand je leur montrais les planches. Talon fonctionne sur plusieurs générations. Le couple Talon-Lefuneste me fait penser à Laurel et Hardy avec un peu de méchanceté parfois. J’ai aussi été très précis dans les décors. C’est important. Dany qui avait travaillé sur Talon avec Greg me l’avait dit.
Cette reprise est une belle aventure et je dois dire que Dargaud a vraiment joué le jeu. Tout ce qui avait été prévu en promotion a été fait. On y croit et le tome 2 est sur les rails. Je vais alterner avec Léo Loden, un album à tour de rôle.
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