L’Académie Brassart-Delcourt Soleil ouvrira ses portes en octobre prochain à Paris. Une école BD de plus ? Pas sûr. ABD, c’est avant tout une histoire de passion, celle de deux hommes pour le 9e art et les arts graphiques. Guy Delcourt, président du groupe Delcourt-Soleil, et Michel Kubler, président de l’école Brassart, ont un objectif, former des professionnels de talent afin qu’ils rentrent la tête bien faite et bien pleine dans un univers pas tendre mais ouvert vers le futur. Ce texte a paru dans le mensuel ZOO pour lequel il a été écrit. Jean-Laurent TRUC
A l’école Brassart on a toujours eu le goût du dessin. Avec ses trois écoles d’arts appliqués à Nantes, Tours et Caen, Brassart a permis à certains de ses élèves de faire carrière dans l’illustration et l’animation. C’est le cas de Bernard Deyriès auteur d’Ulysse 31 et d’Inspecteur Gadget. Guy Delcourt et Michel Kubler ont donc associés leurs compétences et leurs deux groupes dans une nouvelle école à Paris dédiée à la BD, une aventure qui ne laisse rien au hasard.
«Avec l’école Brassart nous nous sommes sentis immédiatement complémentaires. J’ai voulu apporter de l’eau au moulin de la BD », insiste Guy Delcourt. « Je dois beaucoup aux jeunes auteurs qui m’ont soutenu à mes débuts. Le groupe Delcourt sera en première ligne de cette académie. Nous sommes partie prenante et avons un intérêt réciproque avec les élèves qui suivront cet enseignement ». Une pépinière Delcourt ? « C’est un projet avec un objectif économique bien sûr. Nous ne sommes pas totalement désintéressés et nous serons ravis chez Delcourt que des auteurs sortis d’ABD nous rejoignent mais c’est avant tout un projet qui me plait, qui permet d’appréhender la BD sous un autre angle, à la recherche des talents de demain ». Pas de parcours imposé ou de contrats obligatoire pour les promotions de l’ABD. Zep sera le parrain de la première fournée. Michel Kubler valide la démarche et « la liberté totale des élèves dans leurs choix futurs d’éditeurs ».
Une académie à la source de la création
A l’ABD, comme le dit et le souhaite Guy Delcourt, on sera « à la source de la création et le panorama de la BD en sera enrichi ». Enthousiaste le président du groupe Delcourt-Soleil et on le comprend. Cette académie, c’est aussi l’aboutissement d’un rêve, une reconnaissance, un beau pari sur l’avenir du 9e Art. « La BD a la chance d’être associée au livre tangible, de papier, difficile à remplacer par un écran. Il faut préserver le modèle. Mais le numérique est incontournable, tablettes comprises. On l’a vu avec les blogs et le transfert d’ouvrages virtuels vers une édition papier. Aux étudiants de l’ABD de découvrir de nouveaux horizons ».
Qui seront les enseignants de l’académie ? « Nous en avons parlé avec des auteurs comme Xavier Dorison, Marion Montaigne, Hélène Bruller, Mathieu Lauffray, Arthur de Pins. Cela reste pour l’instant des contacts ». Le profil des élèves pour Guy Delcourt doit comprendre « un bon niveau en dessin, une maîtrise du langage. On sensibilisera les élèves à la communication, au juridique, au marketing mais toujours avec pour objectif la création BD. Efficacité, spontanéité, bien cerner des codes de la narration, voila des objectifs pour les futurs enseignants ».
Une école sur Paris répond à « un besoin qui se faisait sentir » pour Guy Delcourt. L’Académie devrait trouver place non loin du nouveau siège du groupe Delcourt-Soleil près de la place de la République, côte pratique oblige. « Je serai présent en octobre pour la rentrée et accueillir les élèves mais je ne serai pas intrusif. Mais si vous aviez combien j’attends avec impatience les premières planches ou scénario des étudiants de l’ABD » conclut Guy Delcourt avec une émotion non feinte dans la voix.
Un recrutement sur dossier et comité de sélection
Michel Kubler, président de Brassart, est sur la même longueur d’onde. « Guy Delcourt voulait une école connue, solide, professionnelle. C’est le cas de Brassart mais cela a aussi été une histoire d’hommes, de contacts, d’envies entre Brassart et Delcourt. Le cursus se déroulera sur trois ans et il n’y aura pas de classe préparatoire ». Comment seront alors sélectionnés les élèves ? « Le recrutement se fera sur dossier, sans âge limite, et grâce à un comité de sélection mixte partagé avec Delcourt. Les promotions devraient être d’environ vingt-cinq élèves. Nous avons déjà une trentaine de dossiers et recevons beaucoup d’appels ».
Aider des talents à émerger, donner des bases aux étudiants afin de leur permettre de gagner du temps dans leurs travaux, les candidats déjà recensés sont rarement des novices. « Ils ont souvent déjà réalisés des projets. Nous souhaitons former des auteurs, dessinateurs, scénaristes mais aussi des illustrateurs, des design caracters, des story boarders. Il pourra y avoir à l’école des filières, des spécialisations. La BD est le secteur porteur de l’édition littéraire. Nous ne pouvons pas passer à côté. Nous devrons anticiper les nouvelles technologies, supports », affirme Michel Kubler.
Motivation et passion, ce sont les mots-clés de l’accès à l’ABD. En première année, on apprendra les bases, l’histoire de l’art, le début de la narration. Sans oublier de travailler sur l’évolution du marché comme la relance des comics en France, les blogs supports d’édition, le numérique. En deuxième année un album collaboratif sera l’objectif des étudiants qui plancheront aussi par exemple sur les séries, sur les aspects liés au lancement d’un album. On approfondira les techniques.
Enfin en troisième année, chacun aura un projet plus personnel, un album sur lequel les auteurs pourront travailler à deux si besoin, et le meilleur album sera publié par le groupe Delcourt. Les élèves plancheront même sur l’expression corporelle. Ajoutez à ce bref descriptif des stages en partenariat avec des auteurs et l’ABD n’aura plus de secrets pour vous. Près de six cents heures de cours seront dispensées par an aux élèves pour un coût annuel de scolarité de 6500 euros.
La BD c’est une cocotte-minute
« La BD c’est un cocotte-minute » poursuit Michel Kubler. « Difficile de savoir ce que sera le futur. Tout va bouger dans les cinq ans qui viennent. La BD évolue sans cesse et c’est vrai qu’aujourd’hui on se rapproche assez en BD du principe des séries TV ». BD pour le web, pour les mobiles mais à quel format, jouer sur l’interaction, les chantiers sont vastes et sans vrai modèle économique validé. L’ABD sera la seule école spécialisée en 9e art à Paris. « Être créatif pour développer le marché, comprendre les nouvelles tendances, la qualité du contenu, Brassart apporte son expérience pédagogique. Le groupe Delcourt a des auteurs qui pourront enseigner, son réseau, des intervenants qualifiés et professionnels. On est à 50-50». Michel Kubler insiste bien sur le fait qu’à l’ABD on ne formatera pas les futurs auteurs. « On ne peut pas donner toutes les clés. On leur apprendra à ne pas perdre de temps, à concrétiser leur talent ».
L’ABD n’est pas une foucade, un caprice. Le projet est porté avec réalisme et ambition aussi bien par Guy Delcourt que Michel Kubler. Avec la volonté affichée que cette académie devienne le nid des talents en jachère qui feront le bonheur des lecteurs des années futures.
Dernière minute :
Eric Dérian coordinateur pédagogique de l’ABD
Aujourd’hui, l’école franchit une nouvelle étape en nommant Éric Dérian au poste de Coordinateur pédagogique. Auteur de bande dessinée et enseignant, il orchestrera l’organisation générale de l’école, installée au cœur de Paris. Il
participera à la constitution de l’équipe enseignante, à la définition du programme, au recrutement des élèves et à leur suivi tout au long des trois années de formation. Il prendra également à sa charge l’enseignement de certaines
matières.
Éric Dérian est désormais l’ambassadeur de l’ABD auprès des professionnels et du grand public. Pour l’accompagner dans ses missions, il sera épaulé par Éric Olivier**, directeur de l’École Brassart. L’annonce de la création de l’ABD a suscité l’intérêt de nombreux auteurs qui ont manifesté leur envie de s’inscrire dans ce projet en devenant intervenants professionnels. Les étudiants de l’ABD auront également le privilège d’avoir comme intervenants Thomas Cadène (Les Autres Gens, Romain et Augustin), Barbara Canepa (Sky-doll, Monster Allergy), Merwane Chabane (Le Bel Âge, l’Or et le sang, Pour l’Empire), Arthur De Pins (La Marche du crabe, Zombillenium), Xavier Dorison (Les Sentinelles, W.E.S.T., Long John Silver) et Marion Montaigne (Tu mourras moins bête, Riche, pourquoi pas moi ?)
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