Elle reste presque aussi connue que son meurtrier. Mary Jane Kelly a été la dernière victime attribuée à Jack l’éventreur. Elle sera assassinée dans des conditions horribles. Autant toutes les hypothèses ont été échafaudées sur l’identité, les motifs du tueur de White Chapel, autant on en sait peu sur qui était vraiment Mary Jane, jeune prostituée londonienne. Une rencontre artistique et créatrice de deux talents a mis fin, au moins pour la part romanesque, à ce mystère. Frank Le Gall et Damien Cuvillier ont signé Mary Jane qui reprend et détaille les quelques points connus de sa biographie. On se souviendra que From Hell, la BD de Moore et Campbell, a été portée à l’écran. Mary Jane Kelly y figure bien sûr comme dans tous les films consacrés à Jack l’éventreur. Le Gall et Cuvillier en trace un portrait émouvant et attachant dans une Angleterre sordide en proie à des inégalités sociales terrifiantes. Un album d’une très grande perfection graphique et narrative.
Elle est heureuse Mary Jane, jeune, jolie et mariée à un mineur de fond au Pays de Galles. Mais son Davies meurt dans un coup de grisou. Sans ressources et pour éviter de finir à l’asile pour indigents, elle prend la route, tombe sur une colonne de pauvres gens qui vivent comme ils peuvent mais poursuivis pour vol par fermiers et police. Une fois de plus seule, Mary Jane arrive dans les faubourgs de Londres et est abordée par Snake, un jeune homme qui sert de rabatteur à une mère maquerelle. Mary Jane innocente bien qu’instruite tombe dans les filets de Mistress Kate. Elle se retrouve dans la rue et commence alors une lente descente aux enfers dans tous les sens du terme.
Mary Jane a-t-elle été une double victime, de son temps d’abord et de l’éventreur ensuite ? Avec au final le mystère de sa mort puisque découpée en morceaux chez elle, pas dans la rue donc connaissant peut-être son meurtrier Frank Le Gall et Damien Cuvillier abonde dans leur vision à montrer son statut de victime sans recours même si on peut penser qu’elle aurait pu s’en sortir au moins une fois. On découvre qu’elle a fait un tour à Paris, que des témoins, qui ponctuent le récit, se souviennent plus au moins d’elle mais toujours sous un aspect sobre et bien mis. On ne peut être que touché par ce destin tragique, horrible et aussi par la force évocatrice qui lui est transmis par le travail des deux auteurs en parfaite osmose. On pense parfois à Lautrec pour le dessin.
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