Si il y a bien en matière d’enfance une certitude, ce sont les frissons qu’aiment avoir les enfants à l’écoute d’une terrifiante histoire. Ils adorent se flanquer la trouille. Roald Dahl l’avait bien compris. Un méchant doit vraiment l’être, faire peur et même parfois gagner la partie. Ou presque. Imaginons que le Grand méchant loup, traumatisme personnel vécu très jeune, dévore les trois petits cochons comme la Mère Grand mais sans issue heureuse ? C’est la démarche de Roald Dahl qui a signé Charlie et la Chocolaterie et, bien sûr, Sacrées Sorcières, un succès planétaire. Complètement subjuguée enfant par le livre, Pénélope Bagieu (Culottés qui débute à la TV) a décidé d’en faire une BD en y apportant toute sa fantaisie, sa joie de vivre et son talent créatif. Un vrai plaisir pour frissonner de bonheur.
Une grand-mère c’est toujours gâteau même si elle est un peu bizarre. Pour un petit garçon qui a perdu ses parents, c’est son ultime recours. Quand il demande à Mamie de lui raconter un histoire avant de dormir, il ne se doute pas dans quelle galère il s’embarque. Place aux sorcières sur lesquelles Mamie a enquêté. Elles sont bien là les vilaines sorcières. Entre deux bouffées de cigarillo, elle va lui apprendra à les reconnaître sous leurs déguisements de dames jolies et bien sous tout rapport car leur cible c’est de faire disparaître tous les enfants de la Terre. Et leur chef c’est la Grandissime sorcière, une tordue malfaisante qui a trouvé le moyen d’éradiquer la marmaille. Les enfants sont répugnants! Ils puent! Ils empestent! Ils sentent le caca de chien! Rien que d’y penser, j’ai envie de vomir! Il faut les écrabouiller! Les pulvériser! Écoutez le plan que j’ai élaboré pour nettoyer l’Angleterre de toute cette vermine. Des mains griffues, chauves et la tête qui gratte, des pieds carrés, des yeux de chat, il y a heureusement des signes qui ne trompent pas mais n’est-ce pas trop tard ?
On se plonge en un instant dans l’univers de Dahl adapté par Pénélope Bagieu et on n’en sort pas jusqu’à la dernière page. Un bel exploit qui sous-entend qu’on a du garder une âme d’enfant. L’histoire de Dahl, c’est vrai, est un petit chef d’œuvre de suspense, de trouvailles, d’inventions bourrés d’idée avec un brin de fantastique, de sentiments et, bien sûr, d’angoisse qui ne fait que monter en puissance. Pénélope Bagieu a su tout mettre en musique en parfaite harmonie. Sa Grandissime Sorcière flanque la trouille, on passe sur ce qui va arriver car tout est à découvrir dans cette superbe adaptation au dessin innovant et en parfaite adéquation avec le texte. On y est en plein dans ce conte noir et bien ficelé, mis au goût de jour pour des enfants et des adultes qui croient toujours à ces sorcières sans balai qui nous entourent.
Sacrées Sorcières, Gallimard BD, 23,90 €
Nous en avions parlé au moment de son Eisner award… Ravie de lire ici un article sur elle, c’est une fille et une autrice fabuleuse!