Une incursion dans un milieu d’intellectuels privilégiés, de lanceurs de mode et richissimes qui dans les années trente avaient la main mise sur tous les grands courants du moment. On est à Paris bien sûr et Buñuel réalise, après son Chien andalou un autre titre surréaliste, L’Âge d’or, sous le faux nom de Dans les eaux glacées du calcul égoïste. Mais il y a un contrat sur ce film qui fait scandale, honni par l’extrême droite et rapidement l’église car blasphématoire et anti-bourgeois. Un curieux personnage, Virgil de la Roche, ancien poilu défiguré doit voler la bobine et si possible mettre les De Noailles, mécènes de Buñuel pour le film, dans l’embarras. Lancelot Hamelin au scénario et Luc Erbetta au dessin ont mis en scène cet album en deux tomes passionnants sur un fait certes oublié mais tout à fait authentique où l’on retrouve Cocteau, Dali en figurants d’un surréalisme qui est en train de mourir.
Mars 1930, Buñuel tourne L’Age d’or et Virgil de la Roche, amant de la comtesse de Noailles est de retour. Lya Lys est l’actrice féminine, Max Ernst fait partie du casting. Marie-Laure de Noailles est agacée par Cocteau qui est en couple avec Nathalie Payet. Dangereuse la comtesse a mis Virgil en laisse qui suit pas à pas le tournage de L’Age d’or pour ses commanditaires. Le film est presque fini. Il a une liaison avec une femme de chambre de Marie-Laure qui le renseigne mais le maître d’hôtel, Henri, veut qu’il quitte l’hôtel des De Noailles. Une projection privée est organisée ce qui effraie la préfecture de police et Chiappe le préfet. André Breton, Dali s’extasient. Virgil tente de convaincre Marie-Laure que si le film sort en salle ce sera une catastrophe pour elle face à une campagne politique ponctuée d’antisémitisme violent.
Et ce fut le cas avec menace d’excommunication, interdiction, censure devant l’extrême des images de Buñuel. Le personnage de Virgil est le fil rouge et le détonateur d’un scandale plus que parisien. Buñuel, manipulateur, ira faire un tour en Amérique mais mettra du temps à s’en relever. Le fascisme est prêt à prendre le contrôle de l’Europe. Dali s’est défendu que Buñuel n’avait pas respecté son scénario en le rendant anti-clérical. Le film ne sera libéré de la censure qu’en 1981. Deux albums au beau dessin réaliste, très riche et témoin du foisonnement intellectuel et extravagant d’une époque à deux doigts de la guerre.
Dans les eaux glacées du calcul égoïste, Tome 2, La fin de l’Âge d’or, Glénat, 19,50 €
Articles similaires