Un livre prestige, et confidences, Jean-Marc Rochette s’est livré à Rebecca Manzoni. Dans un recueil grand format, Vertiges, Rochette s’illustre, parle, lui qui est souvent réservé. Sa vie et la montagne, ou pas de vie sans montagne, Rochette revient sur ses derniers albums, sur le Transperceneige bien sûr. La journaliste radio avait déjà signé chez Maghen un art-book avec Gibrat. Elle a su donner à Rochette les pistes qui lui permettent de se laisser aller, avec émotion parfois, sincérité toujours. On sent que Rochette a frôlé souvent l’abime. Ailefroide altitude 3954 en est la preuve mais aussi une ouverture intime sur une blessure non moins intime. Comme déjà écrit, on se dit parfois que la vie réserve bien des surprises. Et qu’on peut rester complètement abasourdi par un destin, par un homme dont on ne savait finalement rien, même en l’ayant rencontré, interviewé. Cette fois on sait non pas qui est Rochette mais au moins ce qu’il n’est pas.
Un entretien, cela se scande, doit accrocher, poser les bonnes questions, déclencher la confidence. Mieux, libérer la parole de l’autre, progresser dans une vérité qui est mystérieuse. Manzoni connaît son sujet même si elle n’avait jamais rencontré Rochette. Il va parler de ses montagnes retrouvées, d’Ailefroide que des planches, des story-boards illustrent. La peinture en pleine page. Le Loup est de la course. Voilà, le mot est lâché. Rochette fait une course, grimpe vers des sommets enneigés, graphiques, et Manzoni est presque son sherpa qui va l’aiguillonner. « Quand je descends » dit Rochette, « je perds une partie de moi ». L’Oisans, c’est sa maison. Il s’est tenu éloigné de la montagne longtemps et il y est revenu. A ses débuts, la montagne en BD, on l’ignore. Les temps changent. Ailefroide fait exploser les compteurs. Rochette ce n’est plus que le Transperceneige qu’il reprend pourtant avec Matz. Rochette a failli mourir ado. La montagne évidemment, maîtresse intransigeante et sans pitié.
On tourne les pages ébloui par les noirs, les blancs, les bleus surmontés de rouge. Rochette parle de Soutine. La peinture est une transe. On le croit, le comprend. Des nus aussi, intimes, forts et prenants. Rarement un art-book assène autant d’authenticité. Peut-être parce que Rochette casse le mythe, humanise simplement son propos et, une fois encore, Rebecca Manzoni sait l’amener au plus profond de lui-même. Un hymne à la vie.
Vertiges, Édition Daniel Maghen, 39 €
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