Elle est belle et une vraie tête de mule. Cyann est héroïne de la saga de François Bourgeon, l’auteur du célèbre Passagers du vent. Depuis dix ans il balade Cyann aux confins des univers. Son but, sauver sa planète de fièvres mortelles. Elle sera à la tête d’une expédition spatiale qui va mal tourner. Dans ce cinquième volume du Cycle de Cyann qui sort chez 12Bis, on la retrouve un brin paumée, à la recherche de son monde d’origine. Une rencontre avec Bourgeon qui en dit plus.
Cyann a pris du plomb dans la tête : « C’était le prix à payer pour son évolution. Cyann est une égocentrique qui, au fur et à mesure qu’elle prend des responsabilités, assume. N’oublions pas qu’elle avait une mission vitale à accomplir. » Voila le portrait que fait Bourgeon de Cyann qui a vu ses amis les plus proches se sacrifier pour elle et être trahie, manipulée. Elle engendre un vrai capital de sympathie. Elle est prise au piège mais elle ne sait pas par qui. D’autres autour d’elles en savent plus. Cyann va se faire avoir finalement alors qu’elle était le portrait type de la gagnante sans états d’âme.
Dans cette nouvelle aventure, Les Couloirs de l’entretemps, Bourgeon travaille toujours avec Lacroix sur le scénario. Cyann a perdu de sa superbe. Un peu ras le bol la jeune femme. Plus question pour elle de revendiquer le pouvoir. « Avec Lacroix nous trouvons les grandes lignes. Pas question pour moi d’abandonner le scénario. C’est une forme atypique de création. Chacun y apporte sa part. »
Dans un univers foisonnant bourré de trouvailles, d’idées qui mélangent science-fiction plausible, réalisme, aventures, passions, dont Bourgeon est le maître, Cyann est presque au bout de la piste. Le dessin de Bourgeon a une beauté marquée par un encrage délicat, précis, à la japonaise, une des influences de Bourgeon qui, enfant, a même copié des estampes.
« Cyann a été une gamine de 18 ans au début du cycle. Elle a vieilli, peu, certes grâce au voyage spatio-temporel mais elle a su tirer l’expérience de ses déboires divers et des drames qu’elle va vivre en particulier dans cet album. Elle a tendance à faire le malheur des autres. » Bourgeon, de sa voix posée, souriant, trace le portrait psychologique de sa belle qui trouvera sa conclusion dans le tome 6. « Si ce que j’écris n’existe pas pour moi, cela ne peut pas exister pour le lecteur. » Une évidence.
« Cyann veut sauver sa sœur, trouver l’amour avec peut-être un garçon rencontré pendant ses périples. » Elle n’est pas pourtant au bout du chemin et il sera pavé d’épreuves. Bourgeon, enfant, s’inventait déjà ses propres mondes. Et pourquoi des femmes comme héroïnes, que ce soit dans Les passagers du Vent ou Cyann ? « Peut-être pour avoir commencé ma carrière en travaillant pour le journal de Lisette. » Un clin d’œil, « mais nous avons surtout en commun des traits de caractère. J’aime voyager avec ceux qui me ressemblent. Et on voit avec elles le sens qu’elles veulent donner à leur vie. »
Pour Bourgeon sa passion « c’est la narration. Je continue à rêver, à inventer des mondes ». Après Cyann dont le scénario du tome 6 est écrit, il aimerait bien revenir au contemporain, XIXe ou XXe siècle, remettre le nez dehors pour des repérages, prendre des photos. Ne plus laisser son esprit ne vagabonder qu’au delà du temps, se refrotter à la réalité. « Je souhaite prendre plus de temps, faire un ou deux albums. Tout me tente. »
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