Oui, il y avait une division de volontaires français dans la Waffen SS. Elle s’appellera d’abord la Frankreich issue de la LVF, puis la 33. Waffen-Grenadier-Division der SS Charlemagne. C’est sa fin que Michel Koeniguer raconte dans son album, Berlin sera notre tombeau, qui sort aujourd’hui chez Paquet. Il y aura trois tomes. La Charlemagne, où ce qu’il en reste, un bataillon, se battra jusqu’au bout dans les ruines de Berlin en avril et mai 1945 non loin du bunker d’Hitler. Koeniguer retrace en détails le parcours de ces hommes qui n’ont plus rien à perdre. Avec une part romancée mais toujours basée sur des faits exacts. Un vrai travail de reconstitution historique d’un épisode « tabou », compliqué et méconnu de notre Histoire. Michel Koeniguer s’est confié en toute liberté à ligneclaire.info. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Michel Koeniguer, pourquoi ce choix de raconter la fin de la division Charlemagne, division SS de volontaires français, prise au piège à Berlin en 1945 ?
Je connaissais bien le sujet et avais lu le livre de Jean Mabire, un classique sur le sujet. Et j’en ai eu l’idée quand je faisais Misty Mission. Je me suis demandé à quel moment un combattant pouvait être le plus au bout de son destin. Être en 1945 à Berlin dans la SS, c’était être mal barré pour la suite.
Ce qui était le cas mais cela a souvent été occulté et sous veto. L’histoire de la Charlemagne a des connotations politiques fortes ?
C’est toujours le cas. C’est pire aujourd’hui. Dans les années soixante, il y avait eu une certaine forme de réconciliation en particulier quand on parlait des Français engagés aux côtés de l’armée allemande dont la LVF. Sur la Brigade Frankreich puis la Charlemagne, ça été occulté sous une chape de plomb. En France tout est politique. Je reste sur un fait historique. Maintenant il y a le politiquement correct qui tue le débat.
Vous signez un compte-rendu précis de la réalité historique. Ils ont été parmi les derniers à se battre à Berlin en 1945. Vous y ajoutez une part de romanesque.
De mon côté, il n’y a aucun parti-pris politique bien sûr. Les faits avant tout. Certains de mes personnages sont inspirés de gens qui ont existé. D’autres non. Je romance car ce n’est pas un documentaire mais un récit sur des bases historiques très précises pour le déroulé des évènements.
Vous collez au parcours de la Charlemagne avec des rappels de noms de la collaboration, Darnand, Lafont.
Oui, car il y a des Miliciens qui ont été intégrés à la Charlemagne après le débarquement de Normandie. Dans le premier tome il n’y a pas trop de retour en arrière sauf un type du Sud de la France, Christian. Il reviendra ensuite sur la période de l’Occupation.
Vous aviez beaucoup de documentation ?
Oui, hormis le Mabire qui décrit les faits heure par heure, j’ai eu d’autres témoignages comme Combats pour l’honneur.
Il reste des archives ?
Non, que des livres témoignages. Rien dans les archives officielles. Peut-être en Russie. Il y avait un photographe avec eux, un Norvégien de la Division SS Nordland à laquelle étaient rattachés les Français. On ne sait pas ce que sont devenues les photos.
Quels effectifs à la Charlemagne ?
A Berlin ils arrivent 300. A la fin 30 sont faits prisonniers par les Russes. Le chiffre exact de survivants doit tourner à moins d’un millier sur 7 à 8000 hommes. Ils sont très éparpillés sur divers lieux de combat.
Ils vont aller au bout de leurs convictions.
Quand ils s’aperçoivent à leur arrivée au nord de Berlin qu’il n’y aura pas de renforts ils ont compris. Ce sont eux les renforts. Avec l’idée que les Alliés allaient les aider à virer les Russes. Ce qui était aussi partagé par une partie de l’armée allemande. Mais Patton n’aura pas le droit d’aller à Berlin. Berlin était pour les Russes alors que Churchill était un anti-communiste convaincu. Un plan de réarmement des Allemands avait été prévu. Mais pour la Charlemagne il n’y avait plus de solution hormis le combat jusqu’au bout.
La Charlemagne forme un milieu très hétéroclite.
Oui, c’est un mélange étrange. Ils avaient eu du mal à recruter en France. Après le 6 juin la Milice y est reversée. Ce qui crée un malaise avec les anciens de la LVF ou les premiers engagés dans la Waffen SS. Il y a d’anciens militaires, des gens qui veulent se battre contre le bolchevisme. C’est très français. Les Allemands trouvaient d’ailleurs qu’il y avait trop de politique en France.
Ce qui n’a rien à voir avec les Malgré Nous, même s’il y a eu quelques engagés alsaciens dans la SS ?
Les Malgré Nous, cela n’a effectivement rien à voir avec la Charlemagne. Le problème de l’Alsace est très particulier. Quand les Allemands ont manqué d’hommes ils ont aussi pris de force des Alsaciens pour la SS mélangés avec des volontaires. Pas beaucoup (NDLR : lire le Voyage de Marcel Grob).
En 1945 à Berlin, il y a des exécutions ?
Au moins un pour avoir détruit des chars russes. Les autres partent en camp. Je n’ai pas de chiffres. Ils sont libérés entre 1947 et 49. Les étrangers sont sortis d’abord des camps russes.
Quand Leclerc fait fusiller des SS français, ce sont des hommes de la Charlemagne (NDLR : on n’a jamais su si l’ordre venait de lui ou de l’un de ses officiers) ?
Oui, une unité isolée sûrement après les combats de Poméranie.
Toute la documentation sur Berlin vous l’avez trouvée où ?
Globalement, j’avais le nom des rues où ils étaient passés sauf que les destructions avaient été terribles entre autres dans le nord de la ville où ils arrivent. Cela n’a pas été simple.
Il y a des murs encore aujourd’hui criblés de balles à Berlin.
Les derniers combats se passent au QG de la Luftwaffe et ils refusent de se rendre.
Vous travaillez de façon classique ?
J’ai longtemps cogité sur le scénario. Je voulais être sûr de moi avec un fond irréprochable sur le matériel, les uniformes, les blindés. Au niveau du dessin, crayon, encre de Chine sur un format de 42 par 59 cm. A cause des détails. La double planche devant la mairie (en fin d’article NDLR) j’ai fait le bâtiment en bristol, ajouté des chars et des figurines au 1/72e. J’ai pris une photo pour avoir une base et ça m’a pris dix jours. La couleur est à l’ordinateur et c’est Olivier Speltens qui a finalisé.
Comment pensez-vous que le sujet va être reçu ?
J’ai déjà dédicacé la version luxe en noir et blanc avec des bonus. On verra ensuite après l’été. Les gens qui connaissent l’histoire sont intéressés et les autres découvrent. Rien de plus.
Il n’y avait aucun espoir pour ces Français, ces soldats perdus de la Charlemagne ?
Non. La défense de Berlin a été illusoire. On le voit dans le film La Chute et Hitler joue sur une carte avec des unités qui n’existent plus. Les Berlinois les prennent pour les fameux renforts promis. Et ces mêmes Allemands parlent peu des unités étrangères qui ont défendu la ville, des Français, des Espagnols, des Norvégiens, perdus dans la bataille. Il y aura trois albums et je prépare un scénario sur les combats de la poche de Colmar fin 1944. On en parle peu car on s’est focalisé sur l’offensive des Ardennes à la même époque.
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