Il faut le lire pour le croire. Et dans Le Cid en 4e B signé par Véropée, on lit et on y croit, entre rire et larmes. On rit parce que essayer de motiver aujourd’hui des élèves avec Corneille relève du défi fou mais nécessaire, que les réactions de la classe sont décalées et surréalistes. A se demander si effectivement ils ont bien sorti tout ce florilège de pensées souvent ineptes à l’abri de toute culture. Et ça, c’est pour les pleurs. Car comment des enfants en 4e peuvent-ils y être arrivé avec un niveau qui, pour la plupart, flirte avec les pâquerettes ? Qui est responsable ? Les profs désabusés et sans autorité, un ministère qui ne veut pas de vagues, les parents aux abonnés absents, les gamins enfin dont le QI a fondu à l’impact du téléphone portable, de la TV abrutissante, des réseaux sociaux invalidants ? Cette société a sacrifié l’enseignement de Jaurès sur l’autel de la production de futurs employés chômeurs. Ou alors on assiste à une sorte de révolution intellectuelle qui nous dépasse. Reste quand même et heureusement un espoir, mince mais quand même, car il y a dans cette 4e B de l’humour, celui d’élèves qui vont accrocher à leur façon les vers de Monsieur Corneille, pas Molière dont le nom fait penser aux dents du fond. Une épreuve cet album mais une bonne claque salutaire et courageuse bien illustrée en rondeur, franche, par Véropée qui est aussi prof de Français bien sûr.
Le Cid en 4e. De mémoire il y a déjà très longtemps, on avait eu droit à la même dose de Corneille, avec vers appris par cœur et déclamés au tableau, explications de texte, que du bonheur mais c’est ce qu’on appelle la culture. Horace se sera après. Aujourd’hui la prof annonce joyeusement à sa classe un chapitre sur le théâtre avec Le Cid. Une tragédie aussi bien pour les ados que pour la prof et évidemment pour Corneille. Nelson ne veut pas enlever son manteau. Et non, Le Cid n’a pas de rapport avec le sida. On va découvrit la règle de l’unité de temps, de lieu et d’action. Mais une tragédie c’est quoi au fait ? Une histoire triste, bien vu Luna, les attentats, un accident de voiture avec un bébé à bord ? Le contraire, c’est une comédie. Et oui avec des gars qui vont se donner des coups de bâtons comme Scapin. Bien parti Le Cid d’autant que Brandon saigne du nez. Au fait, Médée vous connaissez ? Ben oui, c’est ce qu’ils se disent dans les fusées quand ils sont en galère. Mayday Baptiste, un poète. Bon, un parricide, c’est quand on tue son père. Les insecticides c’est quand on tue les moustiques. Humour toujours.
La prof a bien du courage, comme le petit cheval dans le mauvais temps de Brassens. Tous derrière et elle devant. Beaucoup d’innocence et de spontanéité des élèves qui s’expriment mais avec un vocabulaire et un langage d’une rare pauvreté. Le bilan est mitigé, on y revient. Il y a des moments de rêve mais aussi de grand doute bien que la prof ait réussi à faire naitre une belle réflexion commune. Un témoignage mais pas que, une tranche de vie bien réelle. C’est chaud dans le mode énervé voire autoritaire. Impératif ? C’est pareil. Ce n’est pas non plus une caricature mais une plongée en apnée sur fond de tendresse. Dont on ne revient pas indemne.
Le Cid en 4e B, La Boîte à Bulles, 14 €
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