Une espèce en voie de disparition le roman-photo ? Pas si sûr même si sa période de gloire a couvert les trente glorieuses, de l’après-guerre aux années soixante-dix. La Petite Bédéthèque des savoirs lui consacre un ouvrage où l’on retrouve ces pages aux clichés figés de personnages généralement transportés, mais sans bouger, par les feux de l’amour. Un genre à part entière dont les tirages pour les journaux généralement féminins qui les publiaient, battaient des records de vente enviables de nos jours. Bien sûr la TV, au départ en noir et blanc, démarre, peu pourvue de feuilletons. La BD était réservée à la jeunesse et le cinéma faisait dans le BCBG. On lisait les romans-photos chez son coiffeur ou quand on jetait un œil dans le Nous Deux de sa mère. Il a évolué le roman-photo, très vite. Son histoire, c’est Jan Baetens qui la raconte sur une mise en scène graphique bouillonnante de Clémentine Mélois, artiste plasticienne qui a su en restituer charmes et fantasmes. La préface est signée par David Vandermeulen et sur la couverture l’acteur a un petit air de Charles Denner.
Toute une époque ? Sûrement. Pourtant les plus grands se sont frottés au roman-photo. Des sentiments, des bisous, des traîtrises, des héroïnes malmenées et des sourires entendus par lesquels les acteurs devaient faire passer tout ce qu’ils ressentaient. Roman-photo et cinéma vont se trouver des poins communs. Gina Lollobrigida et Sophia Loren y feront leurs débuts. C’est en Italie que tout va commencer. Avec le roman-photo, il y aura aussi le roman dessiné qui n’est pas une BD. On copiait allègrement les films US. Aujourd’hui, on parlerait de roman graphique. Sans oublier le ciné-roman qui lui est basé sur un film existant. Pour le roman-photo, ce sont des clichés posés et mis en scène plus ou moins bien qui vont prendre la place du dessin. Gloire totale pour ce médium qui envahit la vie des lecteurs et des lectrices de tous les âges. Populaire, le roman-photo est mal vu par les intellectuels ou les classes privilégiées. Il y aura aussi l’inévitable dérive, encore que fort légère par rapport à ce que montrera bien vite le cinéma porno. De belles jeunes femmes dénudées mais soft vont vivre des aventures édifiantes qui raviront les jeunes adolescents.
Enfin va venir le temps d’Hara-Kiri qui fait du roman-photo son cheval de bataille. Choron s’emballe, Gébé aussi, Wolinski. On s’aperçoit que le roman-photo a su évoluer avec ses lecteurs. Johnny, Eddy, Sylvie, Dalida, tous s’y mettent au fil de leur carrière. Dorothée, Joe Dassin ou des acteurs comme Hugh Grant, Marilyn Monroe. Le roman-photo tient la corde mais la TV va le rattraper. Finie la grande époque. Fabacaro signe un pastiche réussi avec Et si l’amour c’était d’aimer ? Emmanuel Guibert signe Le Photographe. On reste dans le ton. Des « smouics », des mains qui s’agrippent aux mentons des belles, de la bagarre sans bouger et bien d’autres scènes stéréotypées, ce nouvel opus de la Bédéthèque est un petit bonheur de redécouverte d’un mode d’expression qui avait ses charmes.
La Petite Bédéthèque des savoirs, Tome 26, Le Roman-photo, Le Lombard, 10 €
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