Michel Kichka est belge et, depuis 1974, est devenu israélien. Il est un dessinateur de presse reconnu même si, comme il le dit dans son album, la BD n’est pas la tasse de thé des Israéliens. Avec Falafel sauce piquante, Michel Kichka raconte comment il a fait le choix d’abord d’aller, adolescent, travailler dans des kibboutz puis de s’installer définitivement en Israël, de faire son alyah, terme employé pour signifier qu’un Juif à décider de revenir dans ce qu’il considère comme sa patrie. Il décrit les étapes successives de sa vie en Israël, son mariage, les guerres qui frappent l’état hébreu mais aussi ses prises de position politiques anti-faucons. Kichka n’est pas un Juif religieux. Avec humour mais réalisme, il témoigne avec une grande franchise de la difficulté de faire co-habiter volonté de paix et état de guerre permanent. On apprend beaucoup avec Falafel sauce piquante. On décrypte. On comprend, même si parfois il vaut mieux avoir quelques clés pour apprécier certains détails.
En 1969 Michel débarque à Tel Aviv et va chez une vieille tante. Il mange son premier falafel dans la rue. Toute son enfance a été marquée par Israël. Il fait partie des scouts juifs en Belgique et a vécu en direct la guerre des six jours en 1967 (NDLR : Les transistors grésillaient dans les cours de récréation du lycée). Tous derrière Israël seul contre tous. La famille de Michel a été déportée. Son père en est revenu seul. Avec sa mère, ils tiennent une boutique de vêtements en Belgique. Michel se politise er retourne en Israël. Il va vivre ensuite la mort de Nasser, l’arrivée de Sadate en Égypte ou celle d’El-Assad en Syrie. Sans oublier Munich ou l’attentat de l’aéroport de Tel Aviv. Mais malgré tout il décide de s’installer définitivement. Commence alors pour lui un travail de fond, la langue, les habitudes, le mode de vie, l’alimentation casher alors qu’il n’est pas religieux. Qui est séfarade et qui est ashkénaze ? Lui, car sa famille vient de Pologne. En fait il s’en moque un peu, Michel. Il est juif, point barre. Et comme disait son grand-père : « Si c’est bon, c’est que c’est casher ». Il entre à l’Académie des Beaux-Arts de Jérusalem. Et épouse Olivia.
Il y a deux grands moments dans ce Falafel sauce piquante. D’abord comment un jeune juif étranger s’adapte à Israël petit à petit. Ensuite comment il devient partie prenante du pays avec femme et enfants, service militaire, guerres vécus par ses fils, attentats et montée en force de la violence, la guerre au Liban entre autres, la mort de Rabin, traumatisme indélébile qui fera basculer la société israélienne. Il est très difficile de se mettre à la place d’un Israélien sans être allé au moins une fois et être resté un certain temps en Israël. Selon les moments la paranoïa est flagrante, écrasante. Et parfois juste. Mais qui veut vraiment la paix ? C’est en lisant ce Falafel sauce piquante qu’on comprend encore mieux que la route sera longue avant de la trouver. Michel Kichka a le courage de ses convictions. Ce n’est pas un hasard si on le voit avec Plantu, si il évoque le massacre de Charlie Hebdo. Il signe un album mine de rien coup de poing, vrai et sincère, courageux, joyeux aussi, lui qui se définit « comme laïc, juif à 100%, non croyant et tolérant ».
Falafel sauce piquante, Dargaud, 21,90 €
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