Avec Margot la folle, on passe à une œuvre majeure car d’une rare efficacité malgré les pièges évidents de cette envolée scénaristique et graphique. On connait pour la plupart le tableau de Brueghel l’Ancien inspiré par Jérôme Bosch, Margot la folle, qui va avec d’autres piller l’enfer entouré de monstres. Jim Broadbent, acteur passé au scénario, lui a inventé une vie, un destin qu’il a confié au dessinateur Dix. Le résultat est violent, comme le tableau, inspiré et même perturbant par sa force à la limite maléfique et pourtant si humaine. Dix a investi le personnage qu’il a rendu viable, crédible dans un Moyen Age où le diable n’est jamais bien loin.
Une femme, Margot, erre dans un marais. Elle est laide et difforme, folle, seule dans sa barque puis dans sa masure où elle mange des algues. Les anguilles qu’elle a pêchées s’enfuient du panier. Mais elle en rattrapent pour aller les vendre au marché. Avec l’argent, elle boit mais on lui vole ses sous avant de la jeter à l’eau. Quelques bonnes âmes la sauvent mais, frappée par cette injustice, elle rentre dans sa cabane seule et triste. Dans ses filets, elle attrape un cadavre, un pendu. Elle lui coupe la main qu’elle fait sécher avec la corde qu’il avait au cou. Agneau égorgé, crapaud, rat crevé, la forte et rusée Margot fait une soupe du diable. Elle demande qu’on lui apporte un ami à aimer et que son balais vole. Elle va être entendue et sur la fleuve retrouvent ceux qui l’avaient aidée, morts. Elle en enlève un d’eux encore vivant. Elle en fait son esclave.
Une chronique du désespoir plus que de la folie dans ce destin inventé et fantasmé. Margot, âme simple, a besoin d’amour, de tendresse malgré sa laideur. Sobriété des décors, personnages rebutants, Dix est implacable, joue de la couleur en sourdine, accentue ses gris et dévoile l’enfer de Margot. On est pris aux tripes et Margot prend vie pour envahir notre imaginaire. Un ouvrage rare et singulier.
Margot la folle, Éditions Robinson-Hachette Comics, 17,95 €
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