Christophe Bec (Carthago, Prométhée, Sanctuaire) a eu envie de raconter des histoires de survie, de dépassement de soi. Son père lui avait parlé du parcours exceptionnel d’Henri Guillaumet, pilote de l’Aéropostale, l’un de ces pionniers qui ont créé les lignes aériennes à partir de 1925 pour acheminer au plus vite le courrier en lieu et place des liaisons maritimes trop lentes. Guillaumet est à lui seul une épopée vivante. Il survivra à un crash dans les Andes et réussira à s’en sortir. Bec lui a fait ouvrir le bal de la nouvelle collection de Soleil, L’Aéropostale, des pilotes de légende. Et dit à Ligne Claire comment le projet a vu le jour.
« Au départ il n’était pas question d’une collection. Seul le personnage de Guillaumet m’intéressait. Cela aurait pu être un autre pilote. Quand j’en ai parlé à mon éditeur Jean-Luc Istin chez Soleil il m’a proposé d’en faire une collection thématique car il n’y avait rien sur l’Aéropostale en BD. » D’où ce premier album qui raconte les débuts de Guillaumet que Mermoz, dans les années trente, invite à venir travailler à la Compagnie Aéropostale basée près de Toulouse. Après l’Afrique, Guillaumet partira acheminer le courrier entre le Chili et Buenos Aires.
Pas un album d’aéronautique
« Guillaumet va frôler la mort. Il s’écrase dans les Andes, dans la Cordillère qu’il doit passer à tout prix malgré la tempête. Il aurait pu se laisser mourir. Il va marcher dans la neige, se battre, aller jusqu’au bout de ses forces. Tout est vrai dans ce que j’ai écrit. Il y a beaucoup d’albums en ce moment qui parle d’aviation. Ce n’est pas mon but. Je n’ai pas signé un album d’aéronautique. Je ne suis pas lecteur moi même de ce genre de BD. Je voulais me démarquer, parler de l’humain, de la volonté de vivre qui permet à Guillaumet de se dépasser. C’est un combat individuel auquel j’ai rajouté une petite part romantique. » Avec une simple veste en cuir, un peu de nourriture, Guillaumet passe un col à pieds à 4000 m d’altitude, tombe dans une crevasse. Saint-Exupéry et Deley (originaire de Marseillan dans l’Hérault NDLR) survolent Guillaumet et ne le voit pas.
Rien d’une biographie dans ce très bel album que dessine Patrick A. Dumas. « Dumas m’a été proposé par l’éditeur mais nous nous connaissions et j’avais vu à l’époque son travail dans Circus, le journal de Glénat. Il s’est totalement investi, a recherché la documentation la plus fiable au point même de redessiner l’avion dans lequel vole Guillaumet, un Potez 25. Il fallait être crédible. Son trait sombre, classique, colle parfaitement à l’action, aux paysages violents dans lesquels se bat Guillaumet. »
Fasciné par Mermoz
Christophe Bec va enchaîner pour le tome 2 avec un autre pilote, mythique, Mermoz, compagnon de Guillaumet. « Mermoz m’a toujours fasciné. Je ne parlerai pas de son crash dans les Andes où il a pu redécoller. Mais je mélangerai plutôt les aventures sur les côtes africaines de Mermoz à Cap Juby où il sera fait prisonnier par les Maures et on ira aussi faire un tour quand il est pris avec son hydravion dans le fameux Pot au noir, terreur des aviateurs en plein Atlantique qu’il traverse. » Christophe Bec n’a pas voulu lire le bouquin de Kessel sur Mermoz : « Je ne voulais pas être influencé. J’ai lu par contre le Mermoz d’Hubinon et de Charlier, le Micheluzzi. »
Et après Mermoz ? « Saint-Exupéry sûrement. Il faut voir avec les ayants-droits. On n’a pas encore travaillé le sujet et on a signé pour deux albums. De toute façon il y a d’autres pilotes de l’Aéropostale comme Reine, Erable, Ville, Costes. Dumas dessinera bien sûr. » Et pourquoi ne pas avoir pris aussi le dessin de Guillaumet ? « Je ne suis pas à l’aise avec les avions, tout ce qui est engin. C’est difficile un avion et puis je me consacre aujourd’hui au scénario, la suite de Prométhée, de Carthago et au cinéma. »
En vrai raconteur d’histoires, de destins, Christophe Bec a signé un Guillaumet émouvant, un Guillaumet qui dira quand on le retrouvera « ce que j’ai fait aucune bête ne l’aurait fait ». Même si Bec n’a pas voulu faire un album « aéro », son Guillaumet passionnera tous les fans de l’histoire de l’aviation dont ce pilote signe l’une des plus belles pages. Guillaumet mourra dix ans plus tard aux commandes de son avion en 1940 abattu en vol pendant la guerre dans des circonstances jamais vraiment élucidées.
Texte JL TRUC
L’Aéropostale, des pilotes de légende, Tome 1, Guillaumet, Soleil
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