Les enfants soldats, en Afrique, des gamins, enlevés, conditionnés, drogués sont devenus des tueurs impitoyables, aujourd’hui encore. Dans Tamba, l’enfant soldat (Delcourt) prévu en août, Marion Achard raconte le destin de trois d’entre eux. Sans fioritures, en expliquant, en témoignant de la violence, de l’horreur mais aussi de la volonté de ces gamins de s’en sortir. Un électrochoc bourré d’émotions dessiné par Yann Dégruel d’un trait expressif et très humain. (Cet article a paru dans le numéro de juillet 2018 de Zoo). Par Jean-Laurent TRUC.
Qu’est ce qui a bien pu pousser Marion Achard, romancière jeunesse, ancienne artiste de cirque, à se lancer dans une aventure pareille, une première BD sur un sujet aussi brûlant ? « Un concours de circonstance, la rencontre avec le dessinateur Yan Dégruel. Il me demandait régulièrement si je n’avais pas de scénario. J’avais un texte écrit depuis plusieurs années sur les enfant soldats. Je le lui ai fait lire et je lui ai demandé s’il pensait que ça valait le coup d’en faire une BD ». La preuve que oui car Tamba, l’enfant soldat est un récit d’une rare force. Tamba, huit ans, assiste au pillage de son village africain par une bande de rebelles qui l’enlèvent avec d’autres dont une petite fille, Awa. Un chef de guerre l’épargne. Tamba devient peu à peu un enfant soldat qui tue mais finit par décider de s’enfuir, de rejoindre de justesse un camp de réfugiés avec Awa qui a été violée et Aceyta, un autre camarade. Ces gamins, Marion Achard en a rencontré : « Je suis allé dans ces camps en Afrique dans les années 2000. Je faisais des ateliers sur les arts du cirque à des éducateurs et à des enfants. Parmi eux il y en avait qui avaient fait la guerre. J’étais en Guinée forestière avec des réfugiés qui venaient du Libéria et de la Sierra Leone ».
Des Commissions de vérité
Mais on ne dit pas pour autant à Marion que ces enfants ont été des combattants : « Je les ai rencontrés dans les camps sans qu’on me précise leur passé. La plupart des témoignages recueillis ou lus montraient leur capacité de résilience, de surmonter leurs drames, ouverts à un avenir plus serein ». Tamba se retrouve à 16 ans devant une Commission de vérité et de réconciliation. Il va enfin parler, témoigner de son voyage au bout de l’horreur et de la folie. Des commissions qui ont bien existé, pour exorciser mais aussi faire acte de mémoire : « Il y a eu une quinzaine de ces commissions dans le monde, en Afrique du Sud, au Libéria, au Canada pour les peuples autochtones, en Asie. C’est courant mais on en entend très peu parler ».
Tamba se raconte face à un public où il y a des victimes de ses propres actions meurtrières. Il parle d’Awa qui va accoucher d’une petite fille, d’Aceyta qui repart au combat incapable de se désintoxiquer à tout niveau. Marion Achard a voulu, sans situer précisément l’action dans un pays, « traiter cette histoire en deux parties, celle où les enfants s’enfuient du camp et celle où ils parlent dans les commissions. Que les deux se chevauchent pour faire un parallèle entre leur désir de revivre et l’enfer vécu ». Il y a 150 000 enfants soldats toujours en activité, en guerre, la majorité en Afrique. « Il ne faut pas penser que c’est fini et que tout va bien. En Syrie, l’État Islamique s’est ajouté à la liste » continue Mari.
Tamba se lit certes ému mais simplement, grâce aux qualités d’écriture et du dessin réaliste, net, sans accrocs de Yann Dégruel. On est pris aux tripes. La réalité s’expose sans fards. Après Tamba, Marion Achard veut continuer son aventure BD : « J’ai envie de parler du cirque, ma première passion avant l’écriture. J’ai une idée sur les contorsionnistes mongols. En Mongolie la contorsion est un ascenseur social et impitoyable pour les petites filles ». Une autre BD témoignage comme pour Tamba, cet enfant revenu du pire.
Tamba, l’enfant soldat, par Marion Achard et Yann Dégruel, 112 pages couleur, Delcourt, 18,95 €
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