On l’a dit, Mai 68 et ses 50 ans ont donné naissance à pas mal de parutions BD sur le sujet. Si on a beaucoup aimé le Sous les pavés de Warnauts et Raives (Le Lombard) d’autres titres ont trouvé moins de grâce à nos yeux. Et ce n’est pas la peine d’en parler. On s’arrêtera par contre sur le bouquin de Arnaud Bureau et Alexandre Franc (Les Pénates, Agatha), Mai 68 histoire d’un printemps. Une récit cadré au sens propre et figuré, simple et complet, une légère trame romanesque qui passe bien, un dessin, on le dit, à la Scott McCloud, une authenticité des faits qui ne dérape pas dans la leçon, le psychodrame et la surenchère. Les faits et rien que les faits, ça change et cela permet de donner des repères à ceux qui n’ont pas vécu cette époque de liberté et de joie. Aux autres de retrouver leurs jeunes années en direct.
Qu’est ce que c’est mai 68 ? Les réponses varient, du retraité à l’étudiant, la fleuriste, la productrice. Comment s’y retrouver entre LCR, maoïste, anarchiste, trotskiste et on passe, de la FEN au SNE-Sup, l’UNEF, le PC, la CGT ? Termes parisiens parce qu’en province début mai 68, ce sont des inconnus au bataillon hormis partis classiques et syndicats. La France s’ennuie, l’Europe bouge, frétille, le monde est en guerre en Asie et au Proche-Orient, le rideau de fer est toujours bien baissé. Tout commence à Nanterre, dans la piscine qu’inaugure le ministre. Cohn-Bendit, un petit rouquin rigolo mais doué, sème la panique. On l’a vu à la TV. Le mythe est lancé et les groupuscules s’agitent. Arrive le 22 mars toujours à Nanterre. C’est parti, les luttes ouvrières et étudiantes à l’est comme à l’ouest. On va se battre contre l’oppression, sexuelle aussi, et les tabous. Le 3 mai à la Sorbonne on mobilise pendant que les extrémistes de droite remontent le boulevard Saint-Michel. On va rafler large dans les rangs étudiants. Libérez nos camarades, les premiers pavés volent, les matraques sont sorties.
La suite, Arnaud Bureau et Alexandre Franc le raconte chronologiquement, sans erreurs, complètement, le tout en s’appuyant sur les souvenirs d’un prof retraité qui en 68, étudiant, loupe une marche. 110 pages qui font le tour d’évènements dont on se dit aujourd’hui que ce n’était pas la révolution, même pour des politiciens comme Mitterrand ou Mendès qui s’agitaient en douce. Mai 68 c’est une explosion débridée, avec la certitude que le monde d’après serait meilleur, plus ouvert pour des gamins qui n’avaient pas connu la guerre. Pour les ouvriers c’étaient des avantages supplémentaires obtenus avec une facilité finalement déconcertante. Pour le pouvoir en place qui a vacillé, un peu, l’occasion de remettre les pendules à l’heure et de se préparer un destin comme Pompidou, voire Giscard, puis Chirac. Pas de mystère, la France aime l’ordre mine de rien. Faut pas pousser trop loin le chapeau de la gamine, une expression de mon grand-père en 68. Il avait fait 14, avait été gazé à Verdun et avait été résistant en 44. On arrête de jouer et on revient au fondamental. Il était pas le seul à le penser. Comme quoi des fois les tournants de l’Histoire se jouent à peu de choses. Mais quels beaux souvenirs.
Mai 68, Histoire d’un printemps, Des Ronds dans l’O, 18 €
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