Elles sont un mythe, un fantasme, les Amazones. Guerrières et cavalières, belles et à demi-nue, archers aux flèches mortelles, elles vivent en Grèce dans l’Antiquité. C’est l’option choisie par Géraldine Bindi qui signe le copieux et mouvementé scénario du Cœur des Amazones (Casterman). Christian Rossi en a dessiné les 160 pages d’un trait fort, d’un réalisme tel, que l’on est emporté par la chevauchée sauvage de ces femmes qui ont fait le choix d’une société où les hommes comptent (presque) pour du beurre. Christian Rossi sera au Salon du Livre à Paris. Texte Jean-Laurent TRUC qui a paru aussi dans le numéro de ZOO de mars.
La Guerre de Troie a bien eu lieu et n’en finit pas. Des hommes dans le coin, il y en a plus que nécessaire et les Amazones qui vivent dans une forêt impénétrable les capturent. De préférence les plus beaux, les plus forts car ils sont destinés à leur faire des enfants. Ensuite, hormis une poignée de travailleurs, ces charmantes jeunes femmes les tuent, comme tous les bébés masculins dont elles accouchent. Pas des marrantes ces dames qui ont créée, comme le dit dans le texte Géraldine Bindi, « une cité fière et libre car interdite aux mâles autoritaires ». Tout à fait d’actualité.
Christian Rossi dévoile comment cet album a vu le jour : « Géraldine Bindi m’a juste proposé le thème ». Et elles ne font pas dans la dentelle les Amazones et qu’au passage, capturer un héros comme Achille, un demi-dieu, pour se faire faire un enfant, ce serait royal. Mais les dieux et les déesses choisissent leur camp. Malgré leurs succès, leurs razzias et la Fête des Fleurs où elles s’en donnent à cœur et corps joie, les Amazones finissent par avoir des états d’âme. Le plaisir, la reproduction parfait, mais pas de sentiments, au bout d’un moment, c’est frustrant. Et voilà Cupidon qui s’en mêle. C’est ce qui va semer la pagaille dans ce Cœur des Amazones qui est aussi une histoire d’amour. Dites moi des choses tendres.
Côté réalisme, on est servi par non seulement le dessin puissant de Rossi qui a mis trois ans à faire l’album avec batailles, combats au corps à corps dénudés, mais aussi par son choix pour la couleur, « le brou de noix que l’on peut délayer. Il devient clair, tire vers le jaune, le rose. C’est une teinte qui mute ». Un résultat impressionnant pour cette saga de feu et de sang. Rossi maitrise l’action avec sa montée en puissance, une progression logique et dramatique.
Un western mythologique
On pourrait presque parler de western. Rossi aime bien le terme « mais un western mythologique. Il fallait des personnages variés pour suivre les joies et les tourments de ce groupe. La reine des Amazones est un héritage. Elles le sont de mère en fille. Je me suis calqué sur les Indiens des plaines américaines ». Cela n’a pas été facile pour Christian Rossi d’en finir avec ses Amazones, à la dernière planche « j’ai pleuré parce que je quittais une famille. Je me suis un peu écroulé car on avait aussi un vrai message bien incarné par cette histoire avec une sortie honorable pour chaque héroïne ». Un tout autre registre pourrait s’offrir à Christian Rossi après les Amazones. Des guerriers certes, mais « dans l’armée canadienne qui emploie des snipers indiens, un projet possible pendant la guerre 14-18 chez Casterman écrit par un jeune scénariste cinéaste. A voir et peut-être un Salomé avec Géraldine mais pour l’instant on va attendre ».
Le Cœur des Amazones, Casterman, 160 pages, 25 €
Articles similaires