Une chronique au quotidien d’une famille belge du début de la guerre à l’occupation puis à la Libération, avec Les Louves Flore Balthazar a tracé un portrait réalité, historique et partiellement romanesque des femmes en résistance, grande ou petite. A partir de souvenirs familiaux, l’auteure a raconté les hauts et les bas, les peurs, si ce n’est les terreurs, les petites joies du jeune fille de quinze ans qui tient son journal. Elle pourrait être, ce qui est partiellement le cas, la grand-mère de Flore. Avec beaucoup de finesse et d’intelligence Flore Balthazar, sans forcer le trait, la réalité suffit, rend compte d’un temps qui a marqué à jamais non seulement ceux qui ont connu cette époque mais aussi la grande Histoire par ses horreurs. Le moindre témoignage a son importance. Qui peut penser aujourd’hui que nourrir ses enfants dans une ville en France ou en Belgique, de 1941 à 1944, trouver du lait ou un œuf relevait du miracle et du courage d’une mère qui faisait la queue souvent pour rien pendant des heures, accrochée à ses tickets de rationnement, écoutant le bruit des bottes des patrouilles allemandes ? C’est une autre grand-mère qui l’a raconté à son petit-fils bien souvent.
Les loups de Germanie (ceux de Reggiani et de Calvo) ont les dents longues. Leurs voisins n’y ont pas cru et se sont laissés dévorer. Les louves elles sont allées cacher leurs louveteaux. Finies les gaufres à Bruxelles, les soldats français entrent dans le village, La Louvière. Marcelle a quinze ans. Ils sont cinq enfants. Son père sort son vieil uniforme et part au front. Il n’a pas trente-cinq ans. Il est fait prisonnier. Les Français cantonnent chez Marcelle, découvrent frites et bières.Le roi demande l’armistice contre l’avis de son gouvernement.Et puis en 1940, après la défaite en Belgique il a bien fallu vivre. Les loups de l’est sont vainqueurs sur tous les fronts et dictent leur loi. Marcelle écoute Radio Londres. Mademoiselle Clauwaerts est la nouvelle institutrice. On résiste comme on peut, en chantant Tipperary ou en traçant des V à la craie sur les murs. On met des rideaux aux fenêtres pour le black-out et on ramasse les marrons. Les adolescentes tentent une grève. Marguerite Clauwaerts tout en demandant la prudence à ses élèves s’engage dans la résistance active. Elle ira jusqu’au bout.
Le ton est juste, sans emphase, le quotidien est sous contrôle. Le courage d’une poignée au moins au début qui va payer cher sa résistance. Le personnage de Mademoiselle Clauwaerts a été inspiré par Marguerite Bervoets arrêtée par les Allemands et décapitée. Flore Balthazar a fourni aussi un gros travail de documentation, vêtements, décors. Arrestations, journaux clandestins, bombardements, retour des prisonniers, collaboration, torture et libération avec aussi ses exactions que Marcelle réprouve, ses règlements de comptes, Les Louves est un condensé qui parle de détails importants, les enfants, leurs études, vivre malgré tout. Un album marquant au dessin très réussi, une ligne claire qui porte sans difficulté la puissance et l’authenticité du récit. A noter que Flore Balthazar (on se souvient de Frida Kahlo avec Cornette) expose ses planches jusqu’au 15 avril à La Louvière en Belgique au centre d’archives Daily-Bul et Co.
Les Louves, Aire Libre, Dupuis, 18 €
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